“De plus en plus d’Américains meurent alors qu’ils sont dans la fleur de l’âge, une tendance qu’on n’observe pas dans les autres pays riches”. Alors que l’espérance de vie est souvent considérée comme un baromètre de santé globale d’un pays, elle a chuté pour la troisième année consécutive aux Etats-Unis, révèle une étude parue mardi 26 novembre dans le Journal of the American Medical Association (JAMA). Si elle a augmenté de près de 10 ans entre la fin des années 50 et 2014, passant de 69,9 ans à 78,9 ans, en 2017, elle est retombée à 78,6 ans, soit trois mois de moins. Outre les décès provoqués par la crise des opioïdes qui ravage le pays depuis le début des années 2000, l’abus d'alcool et les suicides, sont fortement en cause. Trois conditions que Steven Woolf, directeur du Center on Society and Health de la Virginia Commonwealth University et l'un des auteurs de l'étude, qualifie de “morts de désespoir” et qui touchent surtout les 25-64 ans. Des maladies chroniques comme l’obésité et le diabète sont également en cause.
Pour en arriver à ces conclusions, le chercheur et ses collègues ont examiné les chiffres de la base de données américaines de la mortalité et de la base WONDER des Centres pour le contrôle des maladies et la prévention. Dans le détail, les surdoses mortelles de médicaments ont augmenté de 386,5 % entre 1999 et 2017 chez les personnes d'âge moyen. Dans le même temps, pour cette tranche d’âge, les taux de mortalité liés à la consommation d'alcool, y compris les maladies chroniques du foie et la cirrhose du foie, ont augmenté de 40,6 % tandis que le taux de suicide grimpait de 38,3 %.
Les Etats les plus touchés sont l’Ohio, la Virginie occidentale, le Kentucky, l’Indiana, le New Hampshire, le Maine et le Vermont, soit des zones qui ont particulièrement souffert de la détresse économique et de la crise des opioïdes, notent les auteurs.
“Cela fait un certain temps que les Etats-Unis accusent du retard”
“Il est possible d'attribuer une partie de cette situation à l'épidémie d'opioïdes”, explique Steven Woolf. “(Mais) nous ne perdons pas de vue que ce sont les régions du pays qui ont été si durement touchées par l'économie — la Rust Belt — où des emplois manufacturiers ont été perdus et des aciéries ont fermé, explique Steven Woolf à ABC News. Les familles et les communautés ont dû faire face à de nombreuses années de tensions économiques (…) Cela pourrait affecter la santé d'une manière qui ne va au-delà des comportements malsains”, poursuit-il.
“L'espérance de vie augmente dans les pays industrialisés depuis un siècle. Mais cela fait maintenant un certain temps que les États-Unis accusent du retard par rapport à d'autres pays, déplore le chercheur. Pendant ce temps, dans les autres pays riches, elle continue d'augmenter.”
Cette étude parait un mois seulement après un rapport du Centre national des statistiques de santé (NCHS) sur le même sujet. Selon les statistiques publiées fin octobre, les overdoses auraient accéléré la première baisse majeure d’espérance de vie aux Etats-Unis depuis l’épidémie de sida au début des années 1990.
Les Etats-Unis, au 28e rang de l’OCDE en terme d’espérance de vie
“C'est la première grande baisse depuis 1993, à l'époque c'était principalement dû à l'épidémie du virus du Sida”, explique Renee Gindi, statisticienne et autrice principale du rapport. Au total, depuis le début des années 2000, 300 000 personnes sont décédées des suites d'une overdose aux Etats-Unis. Selon des chiffres provisoires, en 2018, cette crise aurait fait 32 000 morts. D’après le rapport, les 25-44 ans semblent les plus vulnérables.
Cette étude montrait également les disparités de d’espérance de vie selon les communautés. Dans le détail, les Noirs (74,9 ans) vivent trois ans et demi de moins que les Blancs (78,5 ans) et près de sept ans de moins que les Hispaniques ou Latinos (81,8 ans). Ces derniers vivent plus longtemps que les Américains blancs malgré un niveau socio-économique généralement plus bas. Cela pourrait s’expliquer car l’immigration sélectionnerait des individus en meilleure santé, avancent les chercheurs. Enfin, après avoir fortement baissé sous Obama, le nombre d’Américains vivant sans couverture maladie est repartie à la hausse depuis 2016. Ainsi, en 2018, 13,3% des adultes américains et 5,2% des mineurs n’étaient pas assurés.
Selon le dernier Panorama de la Santé publié ce jeudi 7 novembre par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) paru début novembre, les Etats-Unis se situent au 28e rang pour l’espérance de vie des pays de l’OCDE. La différence est donc de quatre ans avec la France. Si nous arrivons en dixième position du palmarès avec 82,6 ans de longévité moyenne (85,6 ans pour les femmes, 79,6 ans pour les hommes), chez nous, la progression de l’espérance de vie ralentit depuis 2011. En cause, une trop grande consommation de tabac, d’alcool et de malbouffe.