Il y a une trentaine d’années, les scientifiques ont découvert que l’aspirine réduisait les risques de crises cardiaques mortelles et non mortelles, ainsi que celui de faire un AVC ou de développer un cancer du colon. Toutefois, des études plus récentes ont montré que consommer de l’aspirine régulièrement pourrait avoir plus de conséquences néfastes que de bienfaits sur la santé. Aussi, à l’heure actuelle, aux Etats-Unis, les autorités sanitaires recommandent de prendre de l’aspirine quotidiennement en prévention des crises cardiaques ou accidents vasculaires cérébraux seulement aux personnes âgées de 50 à 69 ans présentant un risque cardiovasculaire accru. Et pourtant, près d’un quart des Américains de 40 ans prennent de l’aspirine tous les jours, antécédents cardiaques ou non, s’inquiètent des chercheurs dans une étude parue dans Family Practice.
Pour en arriver à cette conclusion, Mark Ebell du Collège de santé publique de l’UGA (Etats-Unis) et son collègue Frank Moriarty du Royal College of Surgeons d'Irlande ont comparé des études sur l'aspirine se basant sur des données de patients de 1978 à 2002 à quatre essais à grande échelle sur le même sujet menés après 2005. Soit après que l’utilisation des statines et le dépistage du cancer colorectal se soient généralisés.
Pour 1 000 patients traités pendant cinq ans, ils comptaient quatre évènements cardiovasculaires de moins et sept hémorragies majeures en plus. Ils ont d’ailleurs noté beaucoup de saignements cérébraux chez les consommateurs d’aspirine.
Trouver des alternatives préventives
“Si vous regardez en arrière dans les années 1970 et 1980, quand beaucoup de ces études originales ont été faites, les patients ne prenaient pas de statines pour contrôler leur cholestérol, leur tension artérielle n'était pas aussi bien contrôlée et ils n'étaient pas dépistés pour le cancer colorectal. Environ une personne sur 300 qui a pris de l'aspirine pendant cinq ans a eu une hémorragie cérébrale. C'est un préjudice assez grave. Ce type de saignement peut être fatal. Cela peut être invalidant, explique Mark Ebell. Nous avons besoin de ces grandes études pour comprendre les augmentations petites mais importantes du risque.”
“Les données montrent que les avantages potentiels (de l’aspirine, NDLR) sont semblables aux inconvénients potentiels pour la plupart des personnes qui n'ont pas eu d'événement cardiovasculaire et qui le prennent pour essayer de prévenir une première crise cardiaque ou un premier AVC”, poursuit-il.
Aussi, le chercheur appelle les personnes inquiètes d’un risque cardiovasculaire mais sans antécédents à discuter avec leur médecin pour trouver une alternative préventive à l’aspirine. “Il y a tellement de choses que nous faisons mieux maintenant qui réduisent le risque de cancer cardiovasculaire et colorectal, ce qui laisse moins de place à l'aspirine”, assure-t-il.
L'aspirine de moins en moins recommandée
Cet été, une étude américaine du même genre avait déjà mis en garde contre une consommation abusive de l’aspirine. En étudiant des données du National Health Interview Survey (NHIS) réalisé aux Etats-Unis en 2017, des scientifiques d’Harvard ont découvert que 29 millions de personnes âgées de 40 ans ou plus prenaient une aspirine tous les jours afin d’éviter un infarctus alors qu’elles n’étaient atteintes d’aucune maladie cardiovasculaire. Par ailleurs, 6,6 millions d’entre elles ont pris cette habitude sans consulter leur médecin au préalable. Pourtant, une petite dose d’aspirine suffit à augmenter les risques d’hémorragies cérébrales, s’inquiétaient les chercheurs.
Les résultats de ces travaux ont donc poussé l’Association américaine du Cœur et le Collège Américain de Cardiologie à modifier leurs recommandations sur l’utilisation de l’aspirine en prévention des maladies cardiovasculaires. D'après eux, les adultes de 70 ans et plus ne souffrant pas de maladies cardiaques ne devraient pas consommer quotidiennement de l’aspirine en prévention, même à faible dose, soit entre 75 et 100 mg. Qui plus est, il est fortement déconseillé aux personnes présentant des risques de saignement de prendre de l’aspirine tous les jours. Et ce, quelque soit leur âge.
En France, “en prévention primaire, en l’absence de diabète, une inhibition plaquettaire au long cours par aspirine seule (75-160 mg/j) est recommandée lorsque le risque cardio-vasculaire est élevé (risque cardio-vasculaire fatal > 5%)”, notent les autorités sanitaires. Et le site spécialisé CardiOnline de conclure : “La place de l’aspirine se réduit de plus en plus, avant de totalement disparaitre, et elle n’a sa place que chez les patients de 40-70 ans à haut risque ischémique et très bas risque hémorragique.”