Dans le monde, 35,6 millions de personnes sont atteintes d’Alzheimer chaque année. La maladie se manifeste le plus souvent par des troubles de la mémoire, puis, d’autres fonctions cérébrales sont touchées. Progressivement, les tâches quotidiennes deviennent de plus en plus difficiles et s’adapter à de nouvelles situations quasiment impossible pour les malades. Si les scientifiques savent que la vieillesse est le plus grand facteur de risque d’Alzheimer, ils ignorent encore ce qui se produit exactement au niveau moléculaire dans le processus de vieillissement cérébral entraînant la maladie. Dans une étude parue le mois dernier dans la revue eLife, des chercheurs américains ont montré comment des médicaments candidats pouvaient bloquer les dommages cérébraux liés au vieillissement sur des souris âgées en rétablissant certaines molécules aux mêmes niveaux que ceux observés chez de jeunes modèles murins.
Lors d’études précédentes, Pamela Maher et David Schubert du Salk Institute (Californie, Etats-Unis) avaient développé CMS121 et J147, des variantes de composés végétaux aux propriétés médicinales. Ils avaient démontré que ces candidats-médicaments étaient capables de maintenir les neurones en vie même quand ils étaient exposés à des formes cellulaires de stress liées au vieillissement et à la maladie d’Alzheimer. Depuis, les chercheurs les utilisent pour traiter l’affliction sur des animaux.
Ici, ils ont travaillé avec une souche de souris vieillissant exceptionnellement vite. Ils leur ont administré CMS121 ou J147 à partir de neuf mois, soit l’équivalent de l’âge moyen tardif chez les humains. Quatre mois plus tard, ils ont testé la mémoire et le comportement des rongeurs et analysé les marqueurs génétiques et moléculaires dans leur cerveau.
“Ces deux composés préviennent les changements moléculaires associés au vieillissement”
Ils ont ainsi pu observer que non seulement les animaux ayant reçu l’un ou l’autre des candidats-médicaments ont obtenu de meilleurs résultats aux tests de mémoire que les autres souris, mais en plus leur cerveau présentait des différences au niveau cellulaires et moléculaires. L’expression des gènes associées aux structures génératrices d'énergie de la cellule, les mitochondries, avait notamment été préservée malgré le vieillissement.
“Cette étude a validé ces deux composés non seulement comme candidats-médicaments contre la maladie d'Alzheimer, mais aussi comme potentiellement plus largement utiles pour leurs effets anti-âge, se félicite donc Pamela Maher. En fin de compte, ces deux composés préviennent les changements moléculaires qui sont associés au vieillissement.”
“La contribution des processus néfastes associés à la vieillesse à la maladie a été largement négligée dans la découverte de médicaments contre la maladie d'Alzheimer”, renchérit Antonio Currais, premier auteur de ce nouvel article.
Les mitochondries en jeu
Au cours d’autres expériences, les chercheurs ont notamment remarqué que les deux candidats-médicaments affectaient les mitochondries en augmentant les niveaux d'acétyl-coenzyme A (acétyl-coA). En bloquant une enzyme qui décompose normalement, l'acétyl-CoA, ou en ajoutant des quantités supplémentaires d'un précurseur de l'acétyl-CoA, ils ont observé le même effet positif sur les mitochondries. Ainsi, les cellules cérébrales ont été protégées contre les changements moléculaires habituellement associés au vieillissement.
“Certaines données provenant d'études chez l'humain indiquent déjà que la fonction des mitochondries est affectée négativement par le vieillissement et qu'elle est pire dans le contexte de la maladie d'Alzheimer. Cela aide à solidifier ce lien”, explique Pamela Maher.
Désormais, les chercheurs prévoient de futures expériences pour tester les effets de CMS121 et J147 sur le vieillissement des autres organes. A terme, leurs résultats pourraient aider au développement de nouveaux médicaments contre Alzheimer, espèrent-ils. “Nous utilisons maintenant divers modèles animaux pour étudier comment cette voie neuroprotectrice régule des aspects moléculaires spécifiques de la biologie mitochondriale et leurs effets sur le vieillissement et la maladie d'Alzheimer”, conclut Antonio Currais.
La recherche sur Alzheimer avance à grands pas
Cette bonne nouvelle sur la recherche sur la maladie d’Alzheimer est dévoilée alors même que le laboratoire pharmaceutique américain Biogen a annoncé début décembre avoir réussi à faire diminuer 23% du déclin cognitif chez des malades traités au stade précoce d’Alzheimer avec son candidat-médicament, l’Aducanumab.
Le 22 octobre, le laboratoire avait déjà fait la Une des médias en annonçant avoir déclaré à ses investisseurs qu’il allait procéder début 2020 à une demande d’enregistrement du médicament auprès de la Food and Drug Administration (l’organisme qui autorise la mise sur le marché des médicaments aux Etats-Unis).
Mais quand bien même l’Aducanumab serait approuvé outre-Atlantique, il n’est pas prêt d’arriver en France. En effet, chez nous, “l’autorisation de mise sur le marché d’un médicament est souvent plus longue qu’aux USA. Il faut compter peut-être une année ou deux supplémentaires”, expliquait alors à Pourquoi Docteur le docteur Stéphane Epelbaum, très enthousiaste toutefois à l’idée de ce traitement.