Une théorie scientifique développée dans les années 50 avance que le cerveau est une sorte d'ordinateur dans lequel les neurones forment des circuits complexes qui effectuent un nombre infini de calculs à la seconde. Aujourd’hui, les neuro-scientifiques savent que ces circuits cérébraux existent, mais les limites techniques ont rendu inaccessibles la plupart des détails de leurs calculs.
Toutefois, une nouvelle étude publiée dans la revue Cell révèle que les circuits des profondeurs du cerveau sont visibles en grande partie grâce à une molécule qui s'illumine dès le moindre changement électrique produit par les neurones lors de ces fameux calculs.
En effet, l'une des meilleures façons pour suivre l'activité électrique des neurones consiste à utiliser des molécules qui s'allument en présence d'ions calcium, créant un pic neuronal qui se déclenche au moment où un neurone passe d’un signal électrique à un autre. Mais le calcium s'écoule trop lentement pour capter tous les détails d'un pic neuronal.
Des sondes électriques pour faire chuter la tension des neurones
Pour y remédier, des scientifiques français et américains, respectivement chercheurs à l’Inserm et à l'Institut Wu Tsai des neurosciences de l’université de Stanford (États-Unis), se sont intéressés aux molécules fluorescentes dont la luminosité répond directement aux changements de tension à la surface de la membrane des neurones.
Dirigée par Michael Lin, professeur associé de neurobiologie et de bio-ingénierie à Stanford, et Stéphane Dieudonné, directeur de recherche à l'INSERM de l'École normale supérieure de Paris, l’étude s’est concentrée sur une méthode utilisée en biologie appelée électroporation. Cette technique vise à utiliser des sondes électriques afin de percer des trous dans les membranes des cellules neuronales, ce qui a pour effet de faire rapidement chuter la tension au niveau zéro.
L’équipe de scientifiques a ensuite pu sélectionner les cellules dont la luminosité était la plus sensible au décalage de tension. "La molécule résultante, appelée ASAP3, est l'indicateur de tension le plus sensible à ce jour", précise le Pr Lin.
Un algorithme pour scanner les neurones
L’étape suivante consistait à scanner ces cellules. Pour ce faire, la science recourt généralement à une technique appelée imagerie à deux photons, qui utilise des faisceaux laser infrarouges pouvant pénétrer dans les tissus.
Afin de suivre le plus précisément possible le cheminement des neurones, les auteurs des travaux ont développé un nouvel algorithme appelé ULoVE (ultrafast local volume excitation), dans lequel un laser balaye rapidement plusieurs points dans le volume autour d'un neurone.
En combinant ces techniques, les chercheurs ont montré chez la souris qu'ils pouvaient suivre en détail l'activité cérébrale dans les couches supérieures du cerveau qui contrôlent le mouvement, la prise de décision et d'autres fonctions cognitives supérieures.
"De telles stratégies, où chaque impulsion laser est formée et envoyée au bon volume dans le tissu, constituent l'utilisation optimale de la puissance lumineuse et nous permettront, espérons-le, d'enregistrer et de stimuler des millions d'endroits dans le cerveau chaque seconde", s'enthousiasme Stéphane Dieudonné.