Bien que les mœurs soient en train de changer au niveau de l’image de la femme dans les médias, avec des publicités moins retouchées et des mannequins moins maigres, le diktat de la beauté féminine universelle a la vie dure. Preuve en est : plus une personne regardera la télévision, plus elle préférera les corps féminins fins, selon une étude parue dans la revue Journal of Personality and Social Psychology et dévoilée ce jeudi 19 décembre dans un communiqué de l'université de Durham (Angleterre)
Pour leur étude, des chercheurs de cette Université ont suivi des 299 personnes vivant dans la région du bassin de la lagune Pearl, au Nicaragua. Les participants ont rempli un questionnaire sur leur appartenance ethnique, leur éducation, leur revenu, leur langue et leur exposition à la télévision. Ils ont ensuite dû évaluer l’attrait d’images montrant des corps féminins aux formes et aux tailles variées.
Les chercheurs ont choisi de s’intéresser cette population car elle était très homogène en terme d’alimentation, de revenus et d’éducation mais avait en revanche un accès varié à la télévision. La plupart des participants n’avaient pas accès à des magazines ou à Internet et aucun ne possédaient un smartphone. Les scientifiques ont ainsi pu isoler l'effet de l'exposition à la télévision des autres facteurs. Ce faisant, ils ont constaté que les personnes ayant un accès limité à la télévision préféraient les silhouettes féminines ayant un IMC plus élevé tandis que celles qui la regardaient souvent préféraient les corps plus minces.
Les médias de masse ont une influence sur l’idéal corporel des femmes
D’après les chercheurs, cette étude prouve bien la responsabilité de la télévision sur la perception des idéaux corporels. Or, la représentation de cette idéal de minceur véhiculée dans les médias peut entraîner une insatisfaction corporelle et conduire à des troubles alimentaires ou des dépressions, s’inquiètent-ils.
“Cette étude, utilisant une gamme de méthodes de recherche quantitatives et qualitatives avec des participants non occidentaux, fournit encore plus de preuves empiriques que les médias de masse ont un impact sur les idéaux de taille corporelle des femmes”, commente le docteur Jean-Luc Jucker, de l'université de Durham, co-auteur du papier.
“Les médias ont un rôle important à jouer”
En parallèle, les chercheurs ont également suivi des villageois qui n’avaient pas accès à la télévision. “Nous leur avons montré une série d'images, montrant soit des femmes plus grosses, soit des femmes plus minces. Nous avons constaté qu'après avoir vu ces images, les idéaux corporels des villageois s'ajustaient dans la même direction”, explique la docteure Tracey Thornborrow de l'université de Lincoln, en Angleterre également, co-autrice de l’étude. “S'il y a quelque chose d'universel dans l'attraction, c'est sa flexibilité”, commente la professeure Lynda Boothroyd, du département de psychologie de l'université de Durham, autrice principale de l’étude.
“Les patrons de télévision et de publicité ont la responsabilité morale d'utiliser des acteurs, des présentateurs et des modèles de toutes formes et de toutes tailles et d'éviter de stigmatiser les gros corps. Il doit y avoir un changement d'attitude vers une ‘santé à toutes les tailles’ et les médias ont un rôle important à jouer à cet égard”, conclut-elle.
Des problèmes d’image corporelle et des troubles alimentaires
Malheureusement, il a bien été prouvé, et à maintes reprises, que l’idéologie du corps féminin véhiculé dans les médias et les réseaux sociaux pouvait affecter la santé mentale et physique des jeunes.
Début décembre, une étude a notamment montré que les réseaux sociaux conduisent certains jeunes adolescents à développer des problèmes d’image corporelle et par conséquent des troubles alimentaires. Un phénomène d’autant plus vrai chez les jeunes filles utilisatrices de Snapchat et d’Instagram. “L'un des éléments clés de la prévention des troubles de l'alimentation consiste à faire passer le message que notre estime de soi doit être définie par une combinaison de nos capacités, de nos valeurs et de nos relations”, alertaient alors les chercheurs, appelant “les parents à prendre leurs responsabilités”.
En 2017, dans la revue JAMA Facial Plastic Surgery des chirurgiens esthétiques s’inquiétaient de l’augmentation de la “Snapchat dysmorphia”. Ce phénomène “désigne des patients qui veulent ressembler à des versions filtrées d’eux-mêmes (proposés par les réseaux sociaux et surtout Snapchat, NDLR), avec des lèvres plus pulpeuses, des yeux plus grands ou un nez plus mince”.