“Une retraite tardive, c’est un corps qui s’abîme”. C’est par ces mots que Françoise Sivignon et Alfred Spira, tous deux médecins, alertent sur la réforme des retraites. Selon eux, elle ne prend pas assez en compte l’espérance de vie en bonne santé des Français. Ils publient une tribune dans le journal Le Monde. “Alors qu’il devrait être question de bien-être et de solidarité, la comptabilité est venue s’installer dans les propositions de la réforme des retraites”, déplorent les médecins. Pour eux c’est clair, cette réforme a pour objectif “d’inciter les Français à travailler et cotiser plus longtemps”.
Espérance de vie ne veut pas dire bonne santé
Françoise Sivignon est médecin radiologue, ancienne présidente de Médecins du monde et membres du collectif Génération.s. Alfred Sipa, lui, est professeur honoraire de santé publique à la faculté de médecine de Paris et membre de l’Académie nationale de médecine. Tous deux se demandent s’il est pertinent, en France, de travailler plus longtemps. Selon les données de l’Insee de 2017, l’espérance de vie à 65 ans est de 23 ans pour les femmes et de 19 ans pour les hommes en moyenne.
Cependant, cette espérance de vie n’est pas signe de bonne santé. Et c’est exactement ce que pointent les deux médecins. “L’espérance de vie en bonne santé est en France au dessous de la moyenne européenne. Elle est stable depuis quinze ans, aujourd’hui en moyenne de 64,5 ans pour les femmes et de 63,4 ans pour les hommes, c’est-à-dire juste l’âge pivot aujourd’hui en débat3. Ce dernier est fixé à 64 ans.
De plus en plus d’arrêts maladie
De plus, il existe des inégalités entre les professions, les écarts de revenus. “Les hommes cadres vivent en moyenne six ans de plus que les hommes ouvriers, ceux ayant les revenus les plus élevés pouvant espérer vivre en moyenne treize ans de plus que ceux qui ont les revenus les plus faibles”, détaillent Françoise Sivignon et Alfred Sipa.
Augmenter l’âge de départ à la retraite pourrait également faire augmenter le nombre d’arrêts de travail, car les salariés seront en moins bonne santé, selon les médecins. D’ailleurs, les arrêts de travail se sont multipliés ces dernières années chez les seniors toujours en activité. “D’après la Caisse nationale d’assurance-maladie, le montant des arrêts-maladie a augmenté de 13,4% du fait de la présence plus importante sur le marché du travail des plus de 60 ans”, précisent Françoise Sivignon et Alfred Sipa.