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CRIPR-Cas9

Chine : le chercheur à l’origine des jumelles génétiquement modifiées condamné à 3 ans de prison

Par Charlotte Arce

Le chercheur controversé He Jiankui, “père” des jumelles génétiquement modifiées pour être résistantes au virus du VIH, vient d’être condamné par la justice chinoise à 3 ans d’emprisonnement et à une amende de 3 millions de yuans.

vchal/iStock

En novembre 2018, le médecin chinois He Jiankui provoquait la stupéfaction et la colère au sein de la communauté scientifique internationale après avoir mis au monde Lulu et Nana, des jumelles génétiquement modifiées pour qu’elles soient résistantes au VIH. 

Un an plus tard, le voici rattrapé par la justice. Ce lundi 30 décembre, He Jiankui a été reconnu coupable par la justice chinoise de “manipulation génétique illégale d’embryons à des fins de reproduction”. Selon l’agence de presse Chine nouvelle, il a été condamné à une peine de 3 ans de prison et à une amende de 3 millions de yuans (384 000 euros environ). Deux autres personnes appartenant à “des instituts médicaux de la province de Guangdong” ont aussi été condamnées : un certain Zhang Renli à deux ans de prison et à une amende d'un million de yuans (130 000 euros environ) et un dénommé Qin Jinzhou à un an et demi de prison avec sursis et à une amende de 500 000 yuans (65 000 euros environ).

Si le chercheur He Jiankui a été condamné, c’est en grande partie en raison de la pression de la communauté internationale. En effet, jusqu’à présent, la Chine disposait d’une loi datant de 2003 qui interdisait la manipulation génétique d’embryons, mais qui ne prévoyait aucune sanction judiciaire. Accusé de laxisme, le gouvernement avait fini par ordonner la suspension des recherches et ouvrir une enquête policière. Entre temps, un troisième bébé génétiquement modifié grâce à la technologie CRISPR-Cas9 est né, a fait savoir l’agence de presse Chine nouvelle.

Des mutations génétiques aux conséquences incertaines

Jugée “choquante” et “préoccupante” par la communauté scientifique, l’expérimentation menée par He Jiankui a consisté à enlever et à remplacer des parties indésirables du génome pour rendre les fillettes résistantes au VIH, virus dont leur père est porteur. Lorsque les ovules et le sperme ont été combinés, le scientifique chinois a ajouté une protéine CRISPR afin de modifier le gène CCR5 des embryons. Cette mutation “CCR5 delta 32” a permis de “fermer la porte” par laquelle le VIH peut entrer et infecter les cellules.

Si cette technique des “ciseaux génétiques” semble bien avoir immunisé les jumelles contre le virus du VIH, les scientifiques s’inquiètent ces mutations aient aussi touché d’autres parties de leur génome avec des conséquences à long terme encore inconnues.

En juin dernier, une étude publiée dans la revue Nature Medicine montrait ainsi que la mutation delta 32 du gène CCR5 à laquelle s’était livrée He Jiankui sur les jumelles raccourcirait d’environ 2 ans l’espérance de vie des personnes qui en sont porteuses.

“Au-delà des nombreuses questions éthiques liées aux bébés CRISPR, le fait est qu'à présent, avec les connaissances actuelles, il est toujours très dangereux d'essayer d'introduire des mutations sans connaître tout l'effet qu'ont ces mutations”, avait alors prévenu l’auteur principal de l’étude, le professeur Rasmus Nielsen.

Un point de vue partagé par Carine Giovannangeli, directrice de recherche au CNRS. Invitée dans l'émission “Santé 2030” diffusée sur la chaîne YouTube de Pourquoi Docteur, la chercheuse explique qu’“une fois que l'on a cassé l'ADN avec le système CRISPR-Cas9, ce sont les mécanismes déclenchés par la cassure qui modifient les cellules, et nous n'avons aucun contrôle sur ces mécanismes, parfois cela marche, parfois cela marche moins bien.”