La vie d’enfants souffrant d'amyotrophie spinale (SMA) peut-elle se jouer à la loterie ?
C'est la question que pose la récente annonce du laboratoire pharmaceutique Norvatis. Ce dernier a en effet annoncé qu’il offrirait jeudi 2 à cent bébés de moins de deux ans une unique dose de Zolgensma, dont le prix a été fixé en mai dernier à 2,125 millions de dollars aux États-Unis, soit près de 1,9 million d’euros. Ce qui en fait, à ce jour, le médicament le plus cher au monde.
Si la générosité du laboratoire suisse fait aujourd’hui l’objet d’une telle controverse, c’est parce que le choix des enfants qui bénéficieront de ce traitement novateur se fera par un système de loterie. Selon Reuteurs, 50 enfants seront d’abord tirés au sort pour recevoir le médicament en février. Les 50 doses restantes seront distribuées au cours de l’année 2020. La France est pour le moment exclue de ce tirage au sort en raison de son système de santé permettant le remboursement du Zolgensma. Au moins sept enfants ont par ailleurs déjà été traités avec ce médicament.
Les associations de malades indignées
Touchant chaque année entre 6 000 et 10 000 enfants dans le monde, dont 120 en France l’amyotrophie spinale (AMS) est une maladie génétique rare. Les enfants qui en souffrent ne peuvent ni s’asseoir, ni crapahuter ou marcher comme les autres. En grandissant, leurs muscles continuent à s’atrophier, ils peuvent avoir du mal à respirer et leur vulnérabilité s’aggrave. Nombreux sont les enfants touchés par cette maladie génétique à ne survivre que quelques années.
En mai dernier, Laurence Tiennot-Herment, présidente de l'AFM-Téléthon, considérait l’arrivée du Zolgensma sur le marché pharmaceutique comme “une nouvelle extraordinaire pour les patients et leur famille car c’est une maladie terrible, qui mène à la paralysie ou au décès de bébés.”
Aussi, la décision de Norvartis de ne délivrer que cent doses du Zolgensma par un système de tirage au sort outre les associations de malades. Cité par 20 Minutes, le co-président de SMA Europe Kacper Rucinski estime que ce système s’apparentant à une “roulette russe” soulève de nombreuses questions éthiques. “Nous apprécions pleinement le fait que le programme offrira l'accès à cette option thérapeutique prometteuse à un certain nombre de nourrissons à travers le monde. Chaque vie sauvée est un cadeau (…) En même temps, nous avons du mal à soutenir la manière dont le programme propose d'établir l'éligibilité des patients et de procéder à la sélection des patients. Nous croyons qu'une ‘loterie de la santé’ est une façon inappropriée de répondre de façon juste et équitable aux besoins médicaux non satisfaits dans le cadre de cette maladie grave”, écrit l’association de défense des malades sur son site Internet.
Un point de vue partagé par l'AFM-Téléthon qui, dans un communiqué, “s'indigne qu'un tel programme basé sur un tirage au sort ait pu être imaginé et, a fortiori, proposé à des parents dont l'enfant atteint d'une amyotrophie spinale sévère est condamné à mourir à court terme.”
Un système incompatible avec les valeurs du système de santé français
De son côté, la ministre de la Santé Agnès Buzyn s’est dit “très préoccupée par le tirage au sort mis en place dans certains pays pour l'accès au traitement par Zolgensma.”
Très préoccupée par le tirage au sort mis en place dans certains pays pour l'accès au traitement par Zolgensma, je rappelle que la France n'est pas concernée : toute personne qui a besoin de ce traitement y a accès.
— Agnès Buzyn (@agnesbuzyn) December 27, 2019
“Le principe de tirage au sort pour accéder à un traitement ne correspond pas aux valeurs de notre système de santé, qui vise un égal accès aux soins pour tous”, a poursuivi Agnès Buzyn sur Twitter, qui a indiqué que “le ministère mène des réflexions sur la soutenabilité financière à long terme du remboursement par l'assurance maladie de ce type de traitement. La nouvelle commission européenne sera de nouveau saisie de cette question majeure.”
Interrogé par 20 Minutes, la Direction générale de la santé (DGS) a aussi indiqué s’opposer au principe de tirage au sort car ce dernier “ne correspond pas aux valeurs de notre système de santé qui vise un égal accès aux soins pour tous.”