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La chronique du Docteur lemoine

Le froid. Bon ou mauvais ?

Par le Dr Jean-François Lemoine

On dit toujours que le froid conserve… Mais lorsque les premiers frimas arrivent, on cherche plutôt à s’en protéger et le froid tue beaucoup plus que la chaleur. Probablement au moins 5000 personnes par an. Mais il ne faut pas oublier aussi qu’il soulage et reste une des techniques les plus modernes de survie.

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Chaque vague de froid véhicule sa part de drame. Une cinquantaine de sans-abris retrouvés sans vie, chaque année, au petit matin d’une nuit glaciale, mais aussi des milliers de Français qui souffrent de conditions d’habitat précaires. En particulier, la vieillesse fait mauvais ménage avec l’amplitude thermique que représente le passage répété entre une pièce surchauffée et le reste d’une habitation glaciale. 

Notre chaudière personnelle n’est pas un vulgaire chauffage, mais une centrale ultra sophistiquée qui nécessite de garder la température entre 36,5 et 37,5 degrés. La régulation thermique dépend d’une zone, située au milieu de notre cerveau qui, si notre température baisse, envoie des signaux nerveux à nos muscles pour provoquer une horripilation - c’est le terme scientifique de la chair de poule - puis une contraction. Ce que l’on appelle frissonner de froid. Le but étant de produire de la chaleur grâce à nos muscles. A l’inverse, si la température s’élève, le cerveau donnera l’ordre de dilater les vaisseaux sanguins pour perdre de la chaleur, ce qui a pour conséquence de faire rougir et de déclencher la sudation.

L'organisme fait bien les choses

Conséquence, l’hiver, le bon habillage est celui où l’on ne frissonne plus – car si c’est le cas, l’organisme souffre – et celui qui ne provoque pas de sueur, dangereuse dès que le mouvement s’arrêtera ; un vêtement mouillé perd la moitié de son pouvoir de protection. Bien équipé, lorsqu’il faut sortir, la froidure de l’air que l’on respire n’est pas un obstacle car notre organisme a bien fait les choses. Il faut respirer par le nez qui est l’organe de la respiration. L’air qui rentre est humidifié, purifié par nos poils, mais surtout réchauffé par une quantité impressionnante de petits vaisseaux. D’ailleurs, un bon coup sur le nez permet de vérifier sa richesse en sang ! En conclusion, comme souvent en santé, se protéger du froid, c’est avant tout affaire de bon sens : des vêtements amples et suffisants, une écharpe devant la bouche, un nez grand ouvert… La nature se charge du reste, toutefois ce n’est pas tout à fait fini, parce qu’il il faut craindre la glissade autant que l’engelure…

Le soin par le froid existe depuis l'Antiquité

Froid qui tue, froid qui blesse, mais aussi froid qui soulage. Les amateurs de sport ont découvert avec stupéfaction une sorte de congélateur dans lequel on place les coureurs pour les faire récupérer. La cryothérapie, le soin par le froid, existe pourtant depuis l’Antiquité. L’homme n’a pas mis longtemps, en effet, pour découvrir les vertus du froid sur les traumatismes mais c'est seulement depuis les années 1970 que l'application de vessie de glace ou de spray est utilisée largement par les soigneurs dès qu’un de leurs poulains prend un coup.

La version plus moderne, la cryothérapie en chambre, s’utilise contre le stress, l’insomnie, les rhumatismes, les démangeaisons et certaines maladies de peau comme le psoriasis. Au cours de ces séances, dans une cabine  refroidie à moins 110 degrés, pendant une durée très courte, moins de 3 minutes, le corps humain secrète des endorphines, ces substances proches de la morphine que connaissent bien les marathoniens, qui ont pour effet de lutter contre la douleur.

Mais l’utilisation la plus surprenante des bienfaits du froid nous vient des services d’urgence. S’inspirant des survies miraculeuses lors de noyades dans l’eau glacée, ils proposent désormais des sortes de casques réfrigérants et des substances glaçantes qui, injectées très tôt, permettent d’augmenter la survie du cerveau de plusieurs dizaines de minutes après un arrêt cardiaque. Un progrès immense; rien à voir avec Hibernatus, mais c’est pour les urgences, une des voies de recherche les plus modernes.

Dr Jean-François Lemoine 

 

 

 

 

 

 

Le Saint-Bernard, un criminel en puissance…

Le célèbre chien, son petit tonneau de rhum sous le collier, a le même effet, pour les disparus dans la neige, qu’une rafale de mitraillette. L’alcool provoque une impression de chaleur par augmentation du rythme cardiaque et de la tension artérielle. Malheureusement, cette réaction abaisse la température du corps. En fait, l’alcoolisé résiste moins longtemps au froid... Les légendes ont la vie dure !

Les enjeux de la lutte contre le froid

Selon la 23e édition du rapport annuel sur L’État du mal-logement de la Fondation Abbé Pierre, la France compterait 4 millions de personnes restant mal logées ou privées de domicile, tandis que 12 millions voient leur situation fragilisée par la crise du logement.

La France compterait, sous la menace du froid :


Le froid pour arrêter le cœur…

Au début du XXe siècle, les chirurgiens hésitaient à opérer le cœur, tout simplement parce que les battements incessants rendaient le geste chirurgical imprécis.

C'est un chirurgien canadien qui, au milieu des années 40, a eu l'idée géniale d'utiliser le froid. Ce spécialiste des marmottes fut le premier à imaginer qu'en refroidissant tout l'organisme, en réduisant les besoins du corps en oxygène, les battements se ralentiraient suffisamment pour pouvoir arrêter le cœur, donc l'ouvrir. Les chirurgiens utilisent d'ailleurs aujourd’hui toujours l'application directe de glace pilée sur le cœur – protégé par un linge – pour arrêter rapidement les battements. Pour redémarrer, il suffit de réchauffer.