En Occident, la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) est la première cause de cécité des plus de cinquante ans. En Europe, elle touche plus de 67 millions de personnes, un chiffre qui devrait fortement augmenter d’ici les vingt prochaines années, en raison du vieillissement de la population. Selon la forme clinique (sèche ou humide) et le stade de l'affliction, ses manifestations peuvent être discrètes : baisse d’acuité visuelle, difficulté à la lecture, légère déformations de certains objets. A un stade plus avancé, le patient souffrira d’une vision déformée et des tâches noires apparaîtront dans son champ de vision central.
Aujourd’hui, une nouvelle étude parue dans la revue Current Biology offre un nouvel espoir aux patients. Alors que les neurobiologistes ignoraient si le cerveau pourrait combiner correctement vision naturelle et implant rétinien artificiel, il s’avère que cela est possible.
A l’intérieur de l’œil, la rétine capte la lumière. Les informations sont ensuite traitées et transmises au cerveau. Au centre de la rétine, la macula traite la plupart des informations de manière très précise. La zone périphérique aide quant à elle au jugement spatial avec une vision dix à vingt fois moins précise. Dans la DMLA, la vision précise est altérée car le centre de la rétine est abîmé. Une rétine artificielle, dispositif construit à partir de petites électrodes, peut alors être implantée. Les électrodes entraînent une stimulation électrique des cellules rétiniennes restantes et permettent de retrouver une vision centrale normale. Cette dernière est donc stimulée par une lumière artificielle tandis que la rétine périphérique est stimulée par la lumière naturelle.
“Des implications pour une meilleure restauration de la vue”
Ici, les chercheurs voulaient comprendre si le cortex visuel pouvait répondre de la même façon à ces deux stimuli simultanés. Ils ont donc étudié les interactions corticales entre la vision prothétique et la vision naturelle en se basant sur des potentiels visuels enregistrés sur des rats auxquels ils avaient implanté des implants sous-rétiniens photovoltaïques.
“Nous avons utilisé un système de projection unique qui a stimulé la vision naturelle, la vision artificielle ou une combinaison de vision naturelle et artificielle, tout en enregistrant simultanément les réponses corticales chez les rongeurs implantés avec un implant sous-rétinien”, explique Tamar Arens-Arad de l’université Bar-Ilan (Israël), qui a dirigé les études. L’implant a quant à lui été développé par le professeur Daniel Palanker, de l’université de Stanford (Etats-Unis).
Ainsi, le cerveau arrive à intégrer la vision naturelle et artificielle tout en conservant les informations de traitement nécessaires. “Ces résultats novateurs ont des implications pour une meilleure restauration de la vue chez les patients atteints de DMLA implantés avec des prothèses rétiniennes, et soutiennent notre hypothèse selon laquelle la vision prothétique et naturelle peuvent être intégrées dans le cerveau. Les résultats pourraient également avoir des implications pour les futures applications d’interface cerveau-machine, où processus artificiels et naturels coexistent”, conclut Yossi Mandel, chef du laboratoire de science et d’ingénierie ophtalmique de l’université Bar-Ilan.
En France, 8% des personnes sont touchées
Face à l’ampleur grandissante de la maladie, la recherche sur la DMLA avance progressivement. En mars 2018, des chercheurs britanniques et américains avaient notamment réussi à rendre la vue à des patients qui ne pouvaient plus lire, même avec des lunettes. Au cours de l’opération, ils ont utilisé des cellules souches embryonnaires pour fabriquer des cellules de la macula et ont transplanté les tissus aux patients. Depuis, ces derniers parviennent à lire 60 à 80 mots par minute avec des lunettes de lecture classiques.
A l’heure actuelle, toute forme confondue, la DMLA touche environ 8% des personnes en France. Naturellement, sa fréquence augmente avec l’âge : alors qu’elle touche 1% des 50-55 ans, elle passe à 10% chez les 65-75 ans et 30% chez les plus de 75 ans.
Si vos parents ou vos frères et sœurs sont atteints de cette maladie, consultez un ophtalmologue dès 50 ans pour un examen du fond de l’œil. Outre le facteur génétique, le tabagisme et le soleil peuvent également augmenter les risques. Au moindre doute concernant une déformation de la vision des lignes droite, n’hésitez pas à demander un rendez-vous en urgence: dans 80% des cas, la cécité est évitable ou guérissable si elle est prise en charge à temps.