On se demande pourquoi on a besoin de ce jargon médical pour décrire un phénomène que presque tout le monde a connu un jour ? Avoir le visage qui rougit quand on se trouve confronté à une situation embarrassante. Cela s’appelle en effet rougir. Mais la médecine a besoin d’un mot plus précis, lorsque ce n’est plus un petit inconvénient et que ça devient une maladie. L’eurotophobie, dans ce cas précis. Alors, attention ! On parle d’éreutophobie, uniquement lorsqu’on rougit, plus de vingt à trente fois par jour, et que cela entraîne des conséquences préjudiciables. La plupart des activités deviennent impossibles ; les plus atteints restant même cloîtrés dans un environnement sans surprises. Et vous parlez du visage, mais les plus touchés ont aussi le torse qui se met à rougir !
Si on se limite à la maladie, il n'existe pas d'enquête scientifique, ni en France ni dans d'autres pays, permettant de connaître précisément le chiffre de gens atteints. On estime que 10% des gens rougissent et qu’1 % de la population souffre de cette maladie. Mais même s’il s’agit d’une estimation très basse, cela fait pas mal de monde.
Traditionnellement plutôt un symptôme de fille…
On le dit… Et ça arrange bien les hommes de dire cela, parce que dans la réalité, les médecins qui s’occupent de ce problème voient autant d’hommes que de femmes… Autre idée reçue, n’essayez pas de penser que prendre conscience du rougissement l’améliore. Au contraire. Des phrases du style : « Dis donc, ça te fait rougir ! », n’arrangent en rien un phénomène totalement inconscient, donc parfaitement incontrôlable.
Pourquoi on rougit
C’est d’abord une réaction normale de notre système nerveux. Une tendance qui est maximale à l’adolescence. On a effectivement presque tous connu cela. Là, c’est plutôt dû au stress de la vie courante, plutôt que des situations embarrassantes. Celui qui rougit est plus stressé que gêné. C’est après que ça se gâte ! Et la maladie se rencontre dans la tranche 15-40 ans. Après 40 ans, c’est assez rare. La conséquence, c’est l’afflux massif et incontrôlé de sang au visage. Ce qui provoque ce stress est essentiellement, comme vous vous en doutez, une anxiété, un manque de confiance en soi, une importance excessive accordée au regard de l'autre et à l'apparence. C’est ce que les psychiatres appellent avoir une « hyperconscience de soi ».
En dehors de la psychothérapie et du yoga, méthodes parfaitement naturelles, les médecins ont plutôt la main lourde : antidépresseurs, bêtabloquants, ces médicaments pour faire baisser la tension, que l’on donne aux gens trop émotifs, par exemple, pour passer un examen comme le permis de conduire ou le bac. Tout cela ne donne malheureusement pas de résultats formidables.
L’espoir réside, lorsqu’elle sera au point, dans l’intervention sur nos gènes. Mais cela, c’est probablement plutôt l’aventure du milieu de siècle.
Docteur Jean-François Lemoine
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