Un nouveau test pour dépister le cancer de la prostate est arrivé sur le marché. Il s'agit du Progensa®PCA3 qui détecte dans les urines un ARN messager spécifique du gène cancéreux (PCA3). « Ce test est un complément aux outils de diagnostic actuels, comme le dosage sanguin de l'antigène prostatique spécifique (PSA) et le toucher rectal, estime le Dr Alexandre de la Taille, urologue au CHU Henri Mondor (Créteil, AP-HP). Dépister le cancer de la prostate est souvent un long parcours du combattant pour le patient. Comme il n'existe pas de marqueur spécifique du cancer de la prostate, il persiste toujours une incertitude sur la présence ou non d'un cancer face un taux de PSA peu élevé. Son dépistage est un enjeu de santé publique. Avec plus de 62 000 cas diagnostiqués en 2005, il est le premier cancer chez l'homme. Il représente la seconde cause de mortalité par cancer avec 9203 décès par an. C'est pourquoi lorsque la valeur dosée du PSA n'est ni franchement élevée ni strictement normale, la tentation pour un urologue est grande de recourir à la biopsie. « Aujourd'hui, nous faisons trois séries de 12 biopsies, explique le Pr François Desgrandchamps, chef de service d'urologie à l'hôpital Saint-Louis (AP-HP). Selon les cas, le nombre de biopsies peut aller jusqu'à 20 par série. »
L'efficacité de la biopsie n'est pas non plus absolue, ni sans risque. « Réaliser des biopsies n'est jamais anodin par le risque d'infection ou de saignement sans compter l'impact psychologique lié à la suspicion de cancer, constate le Dr Alexandre de la Taille. Ce nouveau test contribuera à diminuer les incertitudes en fournissant un résultat plus précis ». Les tests cliniques réalisés sur 570 patients ont montré que plus le score PCA3 est élevé, plus la probabilité d'un cancer de la prostate est grande. Ainsi, pour un patient qui présente des résultats négatifs après une première série de biopsies, mais avec un PSA élevé, les urologues pourront utiliser ce test urinaire plutôt que de multiplier les biopsies.
Comment se réalise le test de PCA3 dans les urines ? L'urologue effectue un toucher rectal afin de presser la prostate du patient et recueille un échantillon des premières urines émises. Celui-ci est ensuite envoyé à un laboratoire spécialisé pour analyse. Le test coûte 300 euros et n'est pas remboursé par l'assurance-maladie. « Ce n'est pas une révolution, mais c'est un outil supplémentaire à notre service, estime le Pr Desgrandchamps. Il pourrait concurrencer dans certains cas l'utilisation de l'IRM ». Mais les test urinaires restent la grande voie de recherche pour améliorer le dépistage du cancer de la prostate. Questions au Pr François Desgrandchamps, chef de service d'urologie à l'hôpital Saint-Louis
Une démarche individuelle Ce test urinaire peut-il remplacer un des examens existants ? Pr François Desgrandchamps. Non, les résultats publiés sont encore un peu préliminaires, mais ils permettent de penser que le PCA3 peut être associé à la démarche de dépistage du cancer. Ce test ne sera pas une révolution, parce qu'il ne dit pas à 100 % si vous avez un cancer de la prostate. Ce test sera seulement un élément de plus dans un faisceau d'arguments. Nous dirons au patient, vous avez une biopsie négative, vous avez un toucher rectal qui est normal, vous avez un PSA qui n'est pas trop élevé, vous avez une première série de biopsies qui est négative, une IRM normale, et vous avez un PCA3 qui est plutôt en faveur de quelque chose de bénin, donc vraisemblablement on peut vous dire sans trop de risques de se tromper que vous n'avez pas de cancer. A l'inverse, si le score de PCA3 reste suspect, il faut alors s'efforcer à trouver le cancer. Mais le test du PCA3 ne permettra pas de localiser la zone où il faut mener la biopsie. Il peut y avoir des cancers, ceux de la zone antérieure, qui ne peuvent pas être atteint par les biopsies. Dans ce cas, il n'y a que l'IRM qui peut vous donner une réponse. En outre, savoir si le patient a un cancer ou non, ne dit pas s'il faut le traiter.
Tous les cancers de la prostate doivent-ils être traités ? Pr F.D. Nous traitons seulement les cancers graves. Tout d'abord, je rappelle que les cancers graves laissent une grande espérance de vie, entre 10-15 ans. Donc, on se place dans le cas d'un patient où le cancer grave met en péril sa vie. Pour savoir à quel type de cancer on a affaire, il y d'abord le dosage du PSA, i Et surtout, il faut établir le score de Gleason, qui est la caractérisation histologique au microscope du cancer de la prostate, on note à la fois l'aspect des cellules mais aussi également leur architecture. Si le score de Gleason est compris entre 7 et 10, il faut absolument le traiter. En-dessous de 6, nous pouvons nous poser la question. Car il y a des cancers qui vont évoluer avec le temps et ceux qui n'évolueront pas. Pour savoir si le cancer va évoluer ou non, on utilise le temps de doublement du PSA.
Faut-il généraliser le dépistage ? Pr F. D. Nos outils sont insuffisants pour le rendre obligatoire. On risque de faire des surtraitements pour des hommes qui présentent un cancer bénin. Pour le moment, il faut que cela reste une démarche individuelle du patient auprès de son médecin traitant. C'est au médecin traitant de faire l'éducation du patient et d'être à son écoute si celui-ci souhaite un dosage de PSA. Il faut aussi faire circuler l'idée qu'être opéré pour un cancer de la prostate, ce n'est pas la fin du monde. Les risques de fuite urinaire sont aujourd'hui de 9 %, et les risques de défaillance sexuelle sont de 30 % au-delà de 65 ans. Entretien avec M.G. |