Bien que méconnu, le trafic de médicaments est devenu très lucratif. A tel point que l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (l'OCLAESP) et l'association G5 santé qui regroupe les principaux laboratoires pharmaceutiques français, ont signé un accord destiné à lutter contre la contrebande de médicaments jeudi 9 janvier.
Le subutex dans le viseur des enquêteurs
L'objectif est de démanteler les organisations criminelles qui vendent des médicaments de façon illicite en France, en particulier du Subutex. Ce médicament à l'origine utilisé pour sevrer les toxicomanes de leur la dépendance à l'héroïne est devenu la substance la plus consommée dans la rue derrière le cannabis et l'alcool. Dans certains pays où elle est considérée comme un stupéfiant, les prix s'envolent.
“Nous avons des vrais groupes criminels organisés notamment d’Europe de l’Est et d’Europe du Nord. C’est une criminalité qui est extrêmement lucrative”, explique à Franceinfo le général Jacques Diacono, qui dirige l'OCLAESP. Le Subutex justement, “fait l’objet d'un trafic énorme à partir de la France vers l’Europe du Nord et l’Europe de l’Est”. Et pour cause: un cachet de Subutex vendu 2€ en pharmacie peut se revendre jusqu’à 400€ dans une prison finlandaise où il est considéré comme stupéfiant.
Éric Bayle, chef du groupe stratégie et analyse de l'OCLAESP décrit un mode opératoire extrêmement bien pensé. Un “réseau de collecteurs” est chargé de se procurer les médicaments grâce à de fausses ordonnances et de fausses cartes de sécurité sociale. Les produits sont acquis gratuitement et exportés grâce à un autre réseau en charge de la logistique.
200 milliards de dollars de retombées économiques
La “criminalité pharmaceutique” regroupe deux sortes de trafics : la contrefaçon de médicaments fabriqués dans des laboratoires clandestins, dont l'hygiène et le dosage des substances prêtent à douter, et l'exportation illégale de médicaments vendus légalement en France, vers des pays où ils sont considérés comme stupéfiants.
Selon l’ONG de santé publique Pharmaceutical Security Institute, citée par BFMTV, le nombre de problèmes associés à la prise de faux médicaments a crû de 60% en cinq ans. Vingt pour cent du marché pharmaceutique mondial serait ainsi composé de faux médicaments, contre seulement 1% en 2006. Ce marché illégal produirait à l’heure actuelle 200 milliards de dollars de retombées économiques par an, contre 75 milliards en 2006. Vendre de faux médicaments rapporterait en effet jusqu'à 500 fois leur prix initial.
Des réseaux virtuels développés
Très investi contre la criminalité pharmaceutique, Interpol présente sur son site quatre opérations mises en place pour démanteler ces réseaux clandestins. L'une d'elles, baptisée “Opération Pangea”, vise “à retirer les médicaments illicites de la circulation et à sensibiliser le grand public aux risques liés à l’achat de médicaments sur des sites (Internet) non réglementés”. L’opération, qui n'était déployée que dans 8 pays lors de son lancement en 2008, a été étendue à 123 pays en 2017. Au total, les enquêteurs ont saisi 10 millions d’unités (médicaments) d'une valeur de 14 millions de dollars, arrêté 859 personnes impliquées et mis hors ligne 3 671 sites internet.