La transplantation cardiaque est une opération lourde, qui sauve des vies chaque année, mais dont le chemin est long avant de trouver le donneur idéal. En 2017, selon le rapport médical et scientifique de l’Agence de la biomédecine, 545 personnes, dont 36 enfants, auraient été inscrites sur liste d’attente pour recevoir un nouveau cœur.
Une nouvelle étude, publiée dans la revue américaine The Annals of Thoracic Surgery, pourrait redonner de l’espoir aux enfants en phase terminale qui attendent une transplantation cardiaque. Selon les conclusions de cette étude, de nombreux cœurs de donneurs considérés à haut risque peuvent être transplantés avec les mêmes taux de survie que les cœurs de donneurs à faible risque, ce qui pourrait réduire considérablement le temps d'attente pour une transplantation cardiaque.
Pour le docteur David Morales, directeur de la chirurgie cardiaque congénitale au Centre médical de l'Hôpital pour enfants de Cincinnati (Etats-Unis) et auteur principal de l'étude, cette nouvelle étude pourrait donner une chance de survie à de nombreux enfants. “Un enfant sur cinq meurt en attendant un cœur de donneur approprié, et certains des receveurs potentiels ont manqué leur chance parce qu'on leur a proposé des cœurs de donneur que les programmes de transplantation ont précédemment refusés parce qu’ils les croyaient de mauvaise qualité”, explique le docteur Morales.
“Ces cœurs ont souvent été transplantés dans d'autres donneurs avec de bons résultats. Notre étude démontre que les donneurs à haut risque, ou traditionnellement perçus comme tels, ont pu être associés à la pire survie post-transplantation, en raison des receveurs sur lesquels ils ont été transplantés et non pas à cause des cœurs de donneurs, indique David Morales. Bien qu'il soit important de considérer attentivement les cœurs de donneurs potentiels pour la transplantation, ces programmes devraient envisager d'accepter des cœurs de certains donneurs traditionnellement considérés comme de mauvaise qualité.”
La nécessité d'un nouveau système
L'équipe de recherche du Centre médical de l'Hôpital pour enfants de Cincinnati (Etats-Unis) a étudié la base de données du United Network for Organ Sharing (UNOS) pour les transplantations d'organes thoraciques chez les mineurs entre janvier 2006 et décembre 2015. Les donneurs de greffe à risque élevé ont été identifiés comme étant ceux qui ont dépassé un âge précis, ceux qui ont eu besoin d'une réanimation cardiopulmonaire, ou ceux qui sont décédés des suites d'un AVC. Ils ont établi une corrélation entre les donneurs à faible risque et à risque élevé et les caractéristiques du receveur, et ont étudié les résultats de survie pendant un an. Ils ont constaté que les résultats de survie dans les cas de greffés à “risque élevé” étaient semblables à ceux des greffés provenant de donneurs à “faible risque”.
Actuellement, les établissements de transplantation n'ont pas de système universel pour dresser la liste des patients à transplanter. Selon David Morales, aux Etats-Unis, les hôpitaux acceptent des organes et inscrivent ensuite les patients à transplanter selon des critères différents, qui ne sont fondés ni sur les données cliniques les plus récentes, ni sur des normes cliniques acceptées à l'échelle nationale. Ils s'appuient plutôt sur les expériences passées du programme ou du prestataire.
Un changement de ce système est absolument nécessaire pour David Morales. “Nous aspirons à créer un système de compatibilité basé sur le risque, qui couple à la fois le donneur optimal et le receveur idéal. Nous souhaitons obtenir le meilleur résultat prévisible pour chaque greffe afin d’avoir le plus haut taux d’année de survie après la greffe pour l'ensemble de la communauté. L'objectif n'est pas de parvenir à la transplantation à tout prix, mais d'avoir le plus grand nombre d'enfants vivants et en bonne santé après la transplantation pendant le plus grand nombre d'années possible.”
Travailler sur un modèle standardisé
David Morales et ses collègues ont reçu une subvention du National Heart, Lung and Blood Institute, pour étudier la création d'un modèle standardisé de stratification des risques pour les enfants, en utilisant l'apprentissage machine pour identifier les meilleurs appariements de donneurs et de receveurs afin de maximiser la survie. Cette initiative vise à réduire le gaspillage d'organes thoraciques pédiatriques et à créer un meilleur modèle d'utilisation des organes. Selon David Morales, le nouveau modèle dépendra d'un algorithme fondé sur des données qui optimisera les appariements de greffons et profitera à tous les enfants qui ont besoin d'une greffe de cœur ou de poumon.
À l'heure actuelle, la taille du donneur est considérée comme le facteur décisif pour déterminer quels organes peuvent être offerts à un receveur. Le problème, est que cette décision est fondée sur l'expérience d'un programme, et non sur des normes nationales. Actuellement, nous disposons d'une technologie permettant aux scientifiques de mettre au point des méthodes de comparaison précise de la taille des organes des donneurs grâce à la modélisation en 3D, à la chirurgie virtuelle et à l'intelligence artificielle. Cela permettra d'accroître l'utilisation des organes de donneurs pour les transplantations cardiaques et pulmonaires pédiatriques.
“Si nous laissons les anciens systèmes prévaloir, de nombreuses vies seront perdues. Il est très important de bien comprendre la gamme de cœurs ou de poumons de donneurs qui peuvent s'insérer dans la cavité thoracique du receveur, insiste David Morales. Cependant, à cause des systèmes actuels, les enfants atteints d'insuffisance cardiaque en phase terminale sont confrontés au taux de mortalité le plus élevé de toute la médecine de transplantation.”
Le docteur Ryan Moore, directeur du Programme de médias numériques et de modélisation 3D de l'Institut de cardiologie, se sent confiant face à ce nouveau protocole. “Si de nouvelles techniques de transplantation virtuelle sont utilisées, le nombre de cœurs de donneurs acceptables pour chaque patient augmentera, parce que les plages seront individualisées en fonction de la taille du cœur de ce patient et non par une estimation moins précise, comme l'âge ou le poids.”