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A partir d'avril

Addiction aux opioïdes : le tramadol sera bientôt prescrit pour trois mois

Par Raphaëlle de Tappie

A partir du 15 avril, le tramadol, opioïde le plus consommé en France, ne sera plus plus prescrit pour un an mais pour trois mois. 

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“Nous avons en toile de fond la crise des opioïdes aux Etats-Unis”. Craignant que phénomène qui a fait 70 000 morts Outre-Atlantique se produise en France, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a annoncé mercredi 15 janvier qu’elle allait modifier la durée de prescription du tramadol. A partir du 15 avril 2020, elle passera d’un an à trois mois. L’anti-douleur, dérivé de l’opium, est l’opioïde le plus prescrit en France (12 millions de boîtes écoulées chaque année) et fait déjà l’objet d’une surveillance des autorités sanitaires depuis 2014.

“Différents rapports de surveillance ont attiré notre attention ces derniers mois sur un certain nombre de mésusages, d’abus, de dépendance concernant le tramadol. Dépendance qui peut s’installer même sur une courte durée et en respectant les doses”, explique Nathalie Richard, directrice adjointe des médicaments antalgiques et stupéfiant à l’ANSM, pour justifier cette décision.

Ce phénomène est d’autant plus inquiétant que les overdoses et addictions ne concernent pas que les usagers de drogue mais aussi les personnes souffrant de douleurs chroniques. Ainsi, à la suite d’un accident de voiture ou d’une opération douloureuse, un patient peut se voir prescrire du tramadol et devenir dépendant.

Limiter les mésusages

Preuve en est : c’est l’opioïde le plus impliqué dans les décès liés aux antalgiques. “Une enquête spécifique sur les décès avec antalgiques en 2016 dévoilait que sur 84 décès, 37 concernaient des patients qui consommaient du tramadol”, précise Nathalie Richard. Qui plus est, ce médicament est le deuxième antalgique le plus fréquemment retrouvé sur les ordonnances falsifiées présentées en pharmacie, derrière la codéine.

Malgré tout, l’ANSM a préféré de ne pas le retirer de la vente et et ne pas limiter son accès. “Le tramadol garde une balance bénéfices/risque favorable. Il ne devrait donc pas y avoir de report sur d’autres antalgiques”, explique Nathalie Richard.

Ainsi, aujourd’hui, le but des autorités sanitaires est de limiter les mésusages. “Le médecin peut réévaluer l’intérêt du traitement pour le patient tous les trois mois [et non plus une fois pas an] mais aussi réaliser un bilan de bonne tolérance pour être sûr qu’il n’y a pas de risque d’abus”. Malheureusement, en voyant l’effet du médicament diminuer à mesure que le corps s’habitue, certains patients augmentent les doses de leur propre initiative.

Ne pas arrêter son traitement en cours de route

Les professionnels de santé doivent donc d’avantage informer les patients des potentiels effets secondaires (constipation, vomissement, maux de tête et convulsions et possiblement hypoglycémie…) et risques d’addiction.

 “Les médecins ont un rôle à jouer pour repérer les patients qui commencent à montrer des signes de dépendance, pour les orienter vers des structures qui traitent l’addiction”, insiste Nathalie Richard. Comme avant, le patient devra acheter le médicament chaque mois en pharmacie.

Mais si on vous a prescrit du tramadol, n’arrêtez pas votre traitement pour autant, assure l’ANSM. “Le patient doit bien respecter les doses prescrites, ne pas augmenter la posologie tout seul, respecter la durée du traitement, et ne pas arrêter son traitement de façon brutale, mais progressivement. Car comme pour tous les opioïdes, le patient peut ressentir un syndrome de sevrage. Enfin, si la douleur n’est pas soulagée, il faut qu’il aille voir son médecin”, conclut Nathalie Richard.

Une feuille de route officielle pour prévenir et agir face aux surdoses

Concernant les autres opioïdes, l’ordonnance pour le fentanyl, la morphine et l’oxycodone, trois opioïdes classés comme stupéfiants, n’est valable qu’un mois. Quant à la codéïne, depuis 2017, tous les médicaments qui en contiennent doivent désormais être délivrés sur prescription du médecin.

“Les usages problématiques d’opioïdes recouvrent une diversité de personnes et de situations, souvent compliquées par des maladies et des vulnérabilités associées. Les personnes souffrant de douleurs chroniques ou aiguës et les personnes dépendantes aux opioïdes, doivent pouvoir bénéficier d’une prise en charge globale et adaptée à leur situation”, a écrit le ministère de la Santé en juillet dans une feuille de route pour prévenir et agir face aux surdoses. “Elaborée en lien avec les acteurs concernés, institutionnels, professionnels de santé et de la société civile, cette feuille de route porte 5 objectifs : améliorer les pratiques professionnelles, assurer une diffusion large de la naloxone (antidote, NDLR) prête à l’emploi, impliquer les usagers et leur entourage, mettre en réseau l’ensemble des acteurs au niveau territorial et favoriser les actions coordonnées de proximité, renforcer le système de vigilance, d’alerte et de réponse”, est-il précisé.

Si la France est encore bien loin de l’épidémie américaine, le nombre d’hospitalisations dans l’Hexagone liées à une overdose d’opioïdes a augmenté de 167% entre 2000 et 2017 et le nombre de décès entre 2000 et 2015 de 146 %. De quoi vivement inquiéter les experts.