Les perturbateurs endocriniens (PE) sont des composés exogènes potentiellement néfastes pour l’organisme et la santé humaine. Ils agissent en imitant et en modifiant le métabolisme des hormones naturelles et sont suspectés d’induire de lourdes pathologies telles que l’obésité, des troubles de la fertilité (possiblement sur plusieurs générations), une puberté précoce ou encore des cancers. On les retrouve notamment dans les pesticides bien sûr mais aussi dans les produits ménagers, les meubles, les vêtements ou les cosmétiques. A l’occasion des Journées dermatologiques de Paris, qui se sont tenues en décembre au Palais des Congrès (17e arrondissement), la Société Française de dermatologie à fait le point sur la présence de perturbateurs endocriniens dans les cosmétiques à l’heure actuelle.
Perturbateurs endocriniens et emballages de cosmétiques
Les perturbateurs endocriniens, notamment les phtalates (polluants organiques semi-volatiles très répandus dans l’environnement des zones urbaines et dans les habitations) étaient avant largement utilisés dans la composition de cosmétiques. Les industriels incorporaient cette classe de molécules dans des produits comme les vernis à ongles, les parfums ou encore les laques pour les cheveux. En 2013, l’Union européenne a interdit beaucoup de phtalates dans la composition des cosmétiques sous prétexte qu’ils étaient cancérigènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction. Actuellement, le seul type encore autorisé est le diethyl car il entre dans la formule de l’alcool modifié utilisé en parfumerie ou dans les cosmétiques.
Globalement, le risque de présence de phtalates est donc surtout majeur en ce qui concerne les contenants comme les tubes et les flacons. “Il est impossible de distinguer si un phtalate donné est issu du cosmétique ou de l’emballage. Cependant, s’il s’agit d’un cosmétique interdit dans la formulation des cosmétiques et qu’il est présent dans le cosmétique analysé, le plus probable est qu’il a été relargué de l’emballage dans le cosmétique ou il y aura eu une contamination fortuite lors de la fabrication ou de la mise sous emballage”, explique la professeure Annick Barbaud, dermatologue, chef du service de dermatologie et allergologie à l’hôpital Tenon (Paris), vice-présidente du groupe dermato-allergologie de la SFD.
Quant aux bisphénols, d’autres perturbateurs endocriniens des plastiques, ils n’entrent pas dans la composition des cosmétiques. On ne connait donc pas leur relargage à partir des contenants. Réviser les types de plastiques dans les contenants pourrait permettre de prévenir ce relargage dans les cosmétiques, envisage Annick Barbaud.
Que penser des cosmétiques en vrac ?
Dans un esprit écologique, de plus en plus de consommateurs commencent à utiliser un emballage en verre pour récupérer et stocker leur cosmétique. “Avoir recours à des emballages en verre pourrait être une bonne idée alternative, mais elle n’est pas adaptée à certains cosmétiques comme les produits de maquillage par exemple, et pose le problème de risque de casse et de blessures associé à celui du problème de la gestion des déchets”, explique Annick Barbaud.
Qui plus est, “le risque de contamination infectieuse et de pullulation des bactéries à l’intérieur est réel”, alerte la spécialiste. Enfin, “cela ne résout pas complètement le problème car les cosmétiques vendus et distribués en vrac sont contenus dans de grands emballages plastiques. Les cosmétiques sont donc directement en contact avec les plastiques et la contamination par un perturbateur endocrinien est possible à ce stade.”
Faut-il croire les allégations “peau sensible et réactive” ?
Pour Annick Barbaud, il s’agit d’une “invention marketing trompeuse” car elle ne repose sur aucun référentiel. La spécialiste recommande donc aux patients allergiques de n’acheter que des cosmétiques dont la liste de tous les ingrédients est indiquée et de continuer à rechercher sous la mention “ingrédients” l’absence d’une molécule (sous le code INCI) à laquelle ils sont sensibilisés dans la liste des composants d’un cosmétique. Elle conclut : “Il faut exiger des fabricants de cosmétiques de limiter, voire de supprimer, les ingrédients PE dans les cosmétiques, mais également de suivre le relargage à partir des emballages et du processus de fabrication.”