Travailler, c’est bon pour la santé mentale. Le tout est de ne pas y consacrer tout son temps.
C’est, en substance, la conclusion à laquelle sont parvenus des chercheurs des universités de Cambridge et de Salford lorsqu’ils ont entrepris de définir quelle “dose” de travail hebdomadaire était recommandée pour un bien-être optimal.
Dans leur étude, publiée dans la revue Social Science and Medicine, ils montrent qu’effectuer un travail rémunéré de huit heures ou moins par semaine diminuerait les d’en moyenne 30% le risque de développer une maladie mentale chez les personnes sans emploi.
Une augmentation du bien-être mental de 30%
Plusieurs études avaient déjà démontré qu’outre le facteur économique, occuper un emploi rémunéré avait aussi des avantages sur le bien-être psychologique, en favorisant l’estime de soi et l’inclusion sociale.
Ces nouveaux travaux vont cependant plus loin, en affirmant que si travailler était bénéfique pour la santé mentale, dépasser les huit heures de travail rémunéré hebdomadaires n’augmentaient pas le bien-être. “Nous avons des guides de dosage efficace pour tout, de la vitamine C aux heures de sommeil, afin de nous aider à nous sentir mieux, mais c'est la première fois que la question du travail rémunéré est posée”, explique le docteur Brendan Burchell, sociologue à l'université de Cambridge et co-auteur de l’étude.
“Nous savons que le chômage est souvent préjudiciable au bien-être des personnes, affectant négativement leur identité, leur statut, leur emploi du temps et leur sens de l'utilité collective. Nous avons maintenant une idée de la quantité de travail rémunéré nécessaire pour obtenir les avantages psychosociaux de l'emploi — et ce n'est pas tant que ça.”
Pour parvenir à cette conclusion, les chercheurs ont utilisé les données de la UK Household Longitudinal Study pour suivre le bien-être de 71 113 personnes âgées de 16 à 64 ans, au fur et à mesure de l'évolution de leurs horaires de travail sur une période de neuf ans. Les personnes ont été interrogées sur des questions telles que l'anxiété et les problèmes de sommeil afin d'évaluer leur santé mentale.
Ils ont constaté chez les hommes, la satisfaction a augmenté d'environ 30 % avec un maximum de huit heures de travail rémunéré, tandis que chez les femmes, une augmentation de la satisfaction similaire n’a été constatée qu’après 20 heures de travail hebdomadaire.
Repenser l’organisation du travail
Les chercheurs tirent de ces résultats des réflexions intéressantes sur la façon dont nous pensons actuellement le monde du travail et son organisation. À l’heure où l’intelligence artificielle et la robotique remplacent de plus en plus d’emplois salariés, il est nécessaire selon eux de repenser le modèle traditionnel du travail et s’orienter vers un avenir où le travail sera limité. Ils avancent plusieurs solutions : les “week-ends de cinq jours”, le travail de quelques heures par jour seulement ou l'augmentation des congés annuels de semaines en mois, voire l'octroi de deux mois de congé pour chaque mois passé au travail.
Selon les auteurs de l’étude, cette réduction et cette redistribution des heures de travail “pourraient améliorer l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée, augmenter la productivité et réduire les émissions de CO2 dues aux déplacements domicile-travail. Cependant, ils soulignent que la réduction des heures devrait être pour tout le monde, pour éviter d'accroître les inégalités socio-économiques”, détaillent-ils dans un communiqué.
“Le modèle traditionnel, dans lequel tout le monde travaille environ 40 heures par semaine, n'a jamais été basé sur la quantité de travail qui est bonne pour les gens. Nos recherches suggèrent que les micro-emplois offrent les mêmes avantages psychologiques que les emplois à temps plein, affirme le docteur Senhu Wang, sociologue à l’université de Cambridge. Cependant, la qualité du travail sera toujours cruciale. Les emplois où les employés ne sont pas respectés ou font l'objet de contrats précaires ou à durée zéro n'apportent pas les mêmes avantages au bien-être, et il est peu probable qu'ils le fassent à l'avenir.”