Notre sang est composé de globules rouge et blancs ainsi que de plaquettes qui baignent dans un liquide connu sous le nom de plasma. Mais la circulation sanguine est également composée de mitochondries complètes et fonctionnelles, révèlent des chercheurs de l’Inserm de l’Université de Montpellier et de l’Institut du Cancer de Montpellier dans une étude parue le 19 janvier dans The Faseb Journal. Ces organites jouent un rôle clé dans le maintien des taux de lipide et de bonnes concentrations d’ion requises pour la communication physiologique, dans l’apport d’énergie nécessaire pour la circulation du sang, dans l’assistance au transport de glucose et de l’insuline et dans la suppression des risques potentiels pour la santé.
Elles ont par ailleurs la particularité de posséder leur propre génome. Ce dernier est transmis exclusivement par la mère et diffère de l’ADN contenu dans le noyau. Jusqu’à présent, les mitochondries n’étaient retrouvées hors des cellules que dans des cas particuliers, libérées par des plaquettes dans l’espace extracellulaires. A terme, ces résultats, inédits en physiologie, ouvrent la voie à de nouvelles pistes thérapeutiques.
Dans le passé, des recherches ont montré que le plasma sanguin d’une personne en bonne santé contenait jusqu’à 50 000 fois plus d’ADN mitochondrial que d’ADN nucléaire. Pour essayer de le détecter et de le quantifier dans le sang, les chercheurs ont donc eu l’idée ici de le protéger dans une structure stable. Puis, ils ont analysé une centaine d’échantillons de plasma sanguin.
Messager pour l'ensemble de l'organisme
Grâce à une méthode de détection très sensible qu’on appelle amplification génétique et qui permet de doser directement d’infime quantité d’ADN, ils ont découvert la présence dans la circulation sanguine de structures contenant des génomes mitonchondriaux entiers, intacts et fonctionnels. "Lorsque l’on considère le nombre élevé de mitochondries extracellulaires que nous avons trouvées dans le sang, on peut se demander pourquoi cela n’a pas été découvert auparavant", se félicite le Professeur Alain R. Thierry qui a mené la recherche.
Dans le sang, ces mitochondries pourraient être impliquées dans des processus physiologiques et/pathologiques nécessitant une communication entre les cellules, comme les mécanismes d’inflammation par exemple, avancent les chercheurs. Des études récentes ont notamment montré que certaines cellules pouvaient échanger des mitochondries entre elles, comme les cellules souches avec des cellules abîmées. "Les mitochondries extracellulaires pourraient effectuer plusieurs tâches en tant que messager pour l’ensemble de l’organisme", détaille Alain R. Thierry.
A terme, cette découverte pourrait conduire à un meilleur diagnostic, suivi ou traitement de certaines maladies.
Quand l'ADN mitochondrial est altéré, le risque de cancer augmente
L'équipe de recherche se penche à présent sur l’évaluation des mitochondries extracellulaires en tant que biomarqueurs dans le diagnostic prénatal non invasif et le cancer. "Des recherches plus approfondies sont nécessaires pour évaluer l'impact et les implications potentielles de cette découverte dans le domaine de la communication cellule-cellule, de l'inflammation et des applications cliniques", concluent les chercheurs.
Les mitochondries ayant un rôle clé dans la régulation des principales voies métaboliques du corps, leur destruction ou affaiblissement peut entraîner de graves complications telles que la sclérose en plaque, l’autisme, le trouble bipolaire, le syndrome de fatigue chronique, le diabète de type 2, les maladies cardiaques et le cancer.
En effet, quand l’ADN mitochondrial est altéré, les risques de cancer augmentent. Quand trop de radicaux libres sont produits, les mitochondries créent un stress oxydant qui empêche les antioxydants de défendre le corps contre le cancer. Dans le passé, les chercheurs ont notamment remarqué que le cancer du poumon, du sein et le carcinome des cellules rénales augmentaient suite à ces mutations.