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Contre l'antibiorésistance

Impression 3D : des pièces pour réduire les bactéries et lutter contre les infections

Par Raphaëlle de Tappie

Des chercheurs anglais ont réussi à mettre à imprimer en 3D des pièces résistantes aux bactéries. A terme, cela pourrait permettre de fabriquer des objets pour lutter contre les infections dans la vie quotidienne. 

ClaudioVentrella/iStock

Depuis des années, l’impression 3D révolutionne le domaine de la santé. Elle permet d’améliorer la reconstruction faciale et ouvre de nombreuses nouvelles possibilités en termes de greffes. Aujourd’hui, des chercheurs anglais la mettent à profit pour lutter contre les maladies infectieuses. D’après leur étude parue le 21 janvier dans la revue Nature, ils auraient réussi à mettre au point des pièces imprimables en 3D résistantes aux bactéries.

Les chercheurs de l’Université de Sheffield en Angleterre se sont servis d’additifs antimicrobiens, de petits ingrédients ajoutés à un objet lors de son processus de fabrication afin d’empêcher la croissance de microbes, déjà en vente partout dans le monde. Dans le détail, ils ont utilisé une poudre polyamide (PA12) dans laquelle ils ont ajouté un composé antibactérien à base d’argent. En se servant d’une imprimante 3D, les scientifiques ont ensuite comparé une pièce imprimée avec de la poudre classique et une autre fabriquée à partir de ce mélange. Ils ainsi découvert que les pièces contenant l’antimicrobien résistaient mieux aux bactéries. Elles seraient particulièrement efficaces contre les groupes Gram positif (Staphylococcus aureus) et Gram négatif (Pseudomonas aeruginosa). Ces bactéries peuvent entraîner des maladies mortelles comme la méningite, la pneumonie ou encore la septicémie.

Autre découverte intéressante : les pièces imprimées en 3D n’ont pas été affectées par l’ajout du composé antibactérien et conserveraient les mêmes propriétés que les pièces normales. Elles ne seraient donc pas toxiques pour les cellules humaines. "Les propriétés techniques du nouveau composite sont identiques à celles du matériau de base standard, le polyamide 12. Le composite est plus efficace dans les environnements hydratés pauvres en nutriments et, dans ces circonstances, il est capable de réduire le nombre de bactéries planctoniques autour de lui et le nombre de bactéries du biofilm fixées à la surface", notent ainsi les chercheurs. En effet, les bactéries ont du mal à adhérer aux pièces imprimées en 3D, ont-ils remarqué. 

Des pièces pour les hôpitaux ou la consommation courante

A terme, cette avancée technologique pourrait permettre de fabriquer des pièces pour les hôpitaux soumis à énormément de contacts humains en créant des poignées de porte par exemple. Des produits de santé bucco-dentaires comme des dentiers ou des objets de consommation courante tels que des coques de téléphones portables pourraient également être conçus avec ces matériaux.  

"La gestion de la propagation des bactéries nocives, des infections et de la résistance croissante aux antibiotiques est une préoccupation mondiale. L’introduction d’une protection antibactérienne dans les produits et les dispositifs au moment de leur fabrication pourrait être un outil essentiel dans cette lutte. La plupart des produits imprimés en 3D actuels n'ont pas de fonctionnalités supplémentaires. L'ajout de propriétés antibactériennes au stade de la fabrication nous permettra de changer radicalement l'utilisation des capacités des procédés", explique le Dr Candice Majewski, responsable du projet

"Nos interactions avec les microbes sont complexes et contradictoires - elles sont essentielles à notre survie et elles peuvent nous faire mourir. Une technologie comme celle-ci sera la clé d'une gestion éclairée et durable de cette relation cruciale avec la nature", conclut le Dr Bob Turner, du département d'informatique de l'Université.

Le défi de l’antibiorésistance

Ces résultats sont bienvenus à l’heure où les bactéries sont de plus en plus puissantes. Début janvier, l’Organisation mondiale de la santé a alerté sur la résistance antibiotique, de plus en plus importante de nombreuses bactéries pathogènes.

"C’est l’une des plus grandes menaces pour la santé que nous ayons identifiées", a indiqué Peter Beyer, du Département des Médicaments essentiels de l’OMS lors d’un point presse organisé à Genève en Suisse. "Nous voyons que cela se propage et nous sommes à court d’antibiotiques efficaces contre ces bactéries résistantes", a-t-il expliqué. "De nombreuses initiatives sont en cours pour réduire la résistance, mais nous avons aussi besoin que les pays et l'industrie pharmaceutique s'impliquent davantage et apportent des fonds durables et de nouveaux médicaments innovants", a quant à lui déclaré le directeur de l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus.

Selon une étude publiée en novembre 2018 dans la revue The Lancet Infectious Diseases, 33 000 personnes sont décédées au sein de l’Union européenne en 2015 faute d’avoir reçu un traitement antibiotique efficace contre des bactéries ayant développé des résistances.