Entre 2003 et 2011, la part de découvertes de séropositivité survenues chez des personnes de plus de 50 ans est passée de 12 à 17%. « Dans toutes les autres classes d’âge, on observe une diminution du nombre de diagnostics d’infection par le VIH. Chez les plus de 50 ans, il ne baisse pas. Chaque année en France, environ 1000 personnes découvrent leur séropositivité après 50 ans », explique Françoise Cazein, épidémiologiste à l’Institut de Veille sanitaire (Invs). Elle co-signe, dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire paru ce mardi, un article décrivant l’évolution récente de l’épidémie de VIH en France.
Entre 2003 et 2011, le nombre de découvertes de séropositivité est passé en moyenne de 7500 par an à 6000, avec une baisse plus marquée avant 2007 et une stabilisation depuis. Les homosexuels masculins et les hétérosexuels originaires d’Afrique Sub-saharienne restent en nombre les deux populations les plus à risque d’infection par le VIH.
Mais la tendance observée chez les personnes de plus de 50 ans et chez les hommes hétérosexuels laisse penser que la prévention ne les atteint pas. « Ils ne se sentent visiblement pas concernés par les messages de prévention, ni sur l’utilisation du préservatif, ni sur le recours aux tests de dépistage », explique Françoise Cazein. Les auteurs du BEH constatent en effet que les plus de 50 ans et les hommes hétérosexuels sont diagnostiqués plus tardivement que les plus jeunes ou les homosexuels. Or découvrir sa séropositivité tardivement, lorsque des symptômes se manifestent, est une perte de chance encore plus marquée lorsqu’on a dépassé la cinquantaine. Une étude britannique publiée en 2011 dans la revue Aids a montré qu'un diagnostic tardif multiplie les risques de décès par 14 pour les plus de 50 ans contre 8 pour les 15 à 49 ans.
Faut-il alors adapter la lutte contre le Sida et imaginer des actions de prévention ciblées pour les quinquagénaires ? Certains états américains l’ont fait en 2012 à travers une campagne dont le slogan était « l’âge n’est pas un préservatif ». Mais pour Françoise Cazein, une campagne de prévention ciblée sur cette tranche d’âge pourrait laisser penser, à tort, qu’elle est plus à risque de contamination que les autres.
Ecoutez Françoise Cazein, épidémiologiste au sein de l’unité VIH Sida IST de l’Institut de Veille sanitaire : « Il faut parvenir à ce qu’ils se sentent concernés par les messages qui s’adressent à la population générale, autant que les autres »
« Schématiquement, ce sont des gens qui étaient en couple depuis les années 80, ils n’ont donc pas été vraiment concernés par le VIH. Aujourd’hui, après une séparation, ils reprennent une activité sexuelle avec de nouveaux partenaires sans avoir intégré le risque VIH ni aucun des messages de prévention », explique Christian Andreo, directeur de la communication de l’association Aides.
La question n’est donc pas forcément de créer des messages particuliers pour alerter les cinquantenaires mais de faire en sorte que l’information leur parvienne et pour cela d’identifier les bons vecteurs. « Les dernières campagnes étaient beaucoup sur le web pour espérer toucher les jeunes. Il faut probablement revenir aussi à la presse écrite et décliner les messages de prévention dans la presse magazine que lit ce lectorat masculin d’âge mûr », poursuit Christian Andreo.
Mais pour que le message parvienne vraiment à interpeller cette tranche d’âge, il faudra l’appui du corps médical « même si ce n’est pas forcément évident pour les professionnels de santé d’aborder la sexualité avec ces patients aussi facilement qu’avec un jeune et qu’ils y pensent moins automatiquement », souligne Françoise Cazein. Il est d’ailleurs désormais recommandé aux médecins généralistes de proposer au moins une fois à chacun de ses patients quel que soit leur âge de réaliser un test de dépistage du VIH.
« Intégrer le préservatif dans sa vie sexuelle après 30 ans sans, ça demande plus qu’un bon slogan, insiste Christian Andréo. Le dénominateur commun à toutes ces personnes, c’est leur médecin généraliste. C’est lui qui doit appuyer les messages sur le préservatif et surtout sur le dépistage pour avoir une chance de convaincre ». A moins que ce ne soit le monde à l’envers et les trentenaires qui se mettent à conseiller aussi à leurs parents de sortir couverts.