La 5G sera déployée partout en France à la fin de cette année. Pourtant, à l’heure actuelle, force est de constater “un manque de données scientifiques sur les effets biologiques et sanitaires potentiels liés à l’exposition aux fréquences autour de 3,5 gigaHertz (la bande clé de la 5G qui devrait d’abord être commercialisée cet été, NDLR)”, alerte l’Anses dans un rapport préliminaire paru lundi 27 janvier. Saisie par les ministères de la Santé, de l’Environnement et de l’Economie pour conduire une expertise “visant à évaluer les risques sanitaires liés à l’exposition des populations à ces technologies”, l'agence devra donc essayer d'“extrapoler” les résultats d’expertises passées sur d’autres fréquences.
Le déploiement de la 5G dans l’Union européenne pour objectif affiché de “répondre aux besoins sans cesse croissants de connectivité et d’accroître la compétitivité des pays” avec un débit jusqu'à dix fois supérieur à celui de la 4G. Elle pourra donc proposer une plus grande offre de services sans-fil et favoriser le développement d’objets interconnectés. Les fréquences déjà utilisées auparavant (2G,3G,4G) seront exploitées ainsi que deux nouvelles bandes de fréquences. “Dans un premier temps, la bande 3,5 GHz pour la couverture en téléphonie mobile 5G dans des zones géographiques étendues, puis les années suivantes, la bande 26 GHz pour la communication entre des objets connectés ou pour de la téléphonie mobile dans des périmètres restreints”, détaille l’Anses.
“Ces évolutions technologiques vont modifier les modalités d’exposition de la population, et nécessiteront d’adapter les méthodes de mesure et d’évaluation”, poursuit-elle. Et outre le manque d’informations concernant les effets potentiels de la 3,5 G sur l’organisme, “aujourd’hui, personne n’est capable de prévoir avec certitude combien de personnes et quand utiliseront ces réseaux 5G”, explique Olivier Merckel, chef d’unité d’évaluation des risques liés aux agents physiques à l’Anses.
“Des simulations à partir de différents scénarios”
“Le niveau d’exposition va beaucoup dépendre de l’usage qui sera fait de la 5G. Tant que le déploiement n’est pas fait, nous pouvons seulement faire des simulations à partir de différents scénarios d’exposition”, détaille-t-il, précisant qu’il faudra pour cela disposer d’informations le plus précises possibles de la part des opérateurs.
Quant aux effets pour la santé, les analyses devraient aller des effets physiologiques aux effets cognitifs, développementaux ou psychosociaux. “On réfléchit à quelle population on va s’intéresser en premier, travailleurs, enfants, adolescents, adultes, etc.”, précise Merckel.
Mais mener des études sur le sujet n’est pas une mince affaire, selon un spécialiste interrogé par Pourquoi Docteur sur le sujet. “Il y a beaucoup de biais méthodologiques qui peuvent laisser penser qu’il y a un effet (des ondes sur la santé humaine, NDLR) alors que ce domaine-là est particulier car il requiert une double compétence, en biologie et électronique. Or, on voit des équipes compétentes en biologie mais pas du tout en électronique mener des études sur le sujet. Elles voient donc la biologie bouger mais ne savent pas si c’est dû aux ondes ou à l’effet micro-ondes de leur système d’exposition pas du tout contrôlé. A l’inverse, il y a études menées par des physiciens où l’exposition est bien contrôlée mais pas la biologie. Mais ces papiers-là peuvent être publiés quand même, selon que la revue est spécialisée dans la biologie ou l’électronique”, explique Yves Le Dréan, chercheur pour l’Inserm dans l’unité Irset (Institut de recherche en santé, environnement et travail) de l’université de Rennes.
Des arguments supplémentaires pour ceux qui réclament un moratoire
Les résultats des premières analyses de l’Anses devraient être publiés au premier trimestre 2021. S’ils révèlent des “effets particulièrement inquiétants” pour certaines fréquences, l’agence pourrait éventuellement recommander une modification des seuils.
Ce rapport devrait donner des arguments supplémentaires à tous ceux qui réclament un moratoire sur la 5G. Les associations Agir pour l’environnement et Priartem-Electrosensibles préparent notamment un recours devant le Conseil d’Etat afin d'annuler l’arrêté du 30 décembre 2019 concernant les modalités d’attribution de fréquences dans la bande 3,5 GHz. Vendredi 24 janvier, elles ont lancé une pétition intitulée Stop à la 5G, déjà signée par 120 000 personnes. “L’électrosensibilité transforme des vies en cauchemars tous les jours”, écrivent-elles, évoquant des “maux de tête, acouphènes, insomnie, vertiges, troubles du rythme cardiaque et de la concentration douleurs articulaires, irritabilité, dépression et fatigue permanente”.
Rappelons toutefois que face aux manques d’informations précises sur le sujet, là encore, l’électro sensibilité n’est pas classée comme maladie par l’OMS, en dépit du nombre de plus en plus important de personnes rapportant des effets secondaires liés aux ondes.
“Ce sont vraiment des personnes malades, leurs symptômes sont réels, ce ne sont pas des fous. Maintenant est ce que les ondes sont vraiment la cause de leur mal-être, c’est une autre question. Dans les études faites en laboratoire, on a essayé d’exposer ces gens sans qu’ils le sachent pour voir s’ils déclenchaient leurs symptômes. En vain : on n’arrive pas à les exposer par surprise sans qu’ils soient au courant ou à créer leurs symptômes en laboratoire. Aussi, peut-être que les ondes sont en partie responsables de leur mal-être mais elles ne sont certainement pas les seules. On est dans une situation beaucoup plus complexe”, explique Yves Le Dréan à Pourquoi Docteur. Il conclut : “On est dans l’inconnu, le noir complet, on avance à tâtons. On a pas d’explications. On l’aura peut-être plus tard. On travaille sans doute pour les générations futures. Ca peut venir. C’est le problème de la recherche scientifique : on est là pour explorer l’inconnu.”