Pour comprendre comment survient la dépendance, il faut aller dans l’intimité de notre crâne. Et ce qu’ont découvert les chercheurs est surprenant : il y a dans notre cerveau une sorte de circuit de la récompense qui s’active dès que quelque chose nous fait plaisir : une sucrerie, un achat, ou encore faire l’amour…
En s’activant, ce centre libère des substances qui induisent cette sensation de plaisir. Mais ces substances se détruisent vite. Par contre, la nicotine et tous les autres composants du tabac vont maintenir constante la sécrétion de ces substances de la satisfaction et donc nous amener à rechercher en permanence cet état. Ainsi s’explique le côté antidépresseur des cigarettes que beaucoup ne voulaient pas reconnaître, mais également les échecs des substituts à la nicotine qui seuls ne suffisent pas au sevrage.
Quant aux jeunes, ces mécanismes de satisfaction s’inscrivent encore plus profondément dans leur cerveau, car ils correspondent aux premières expériences agréables. En effet, c’est entre 15 et 25 ans que le circuit de la récompense est le plus en éveil, le plus sensible et donc le plus fragile. Donc plus on commence tôt, plus le cerveau sera dépendant. Les spécialistes en font le triste constat : 2 cigarettes par jour à 15 ans pendant quelques mois suffisent à faire basculer dans la dépendance.
Proust nous l’avait bien dit. Mais il ne parlait que de madeleine.
Une étude anglaise publiée dans la revue « Nicotine and Tobacco Research » le confirme et montre que le taux de conversion entre première cigarette et tabagisme quotidien est très élevé. 69% !
Pourquoi est-il si difficile pour certains d’arrêter de fumer ?
C’est à cette question mille fois débattue, où la volonté n’est pas seule en cause, que la recherche essaie de répondre. Les premiers résultats permettent d'expliquer cette difficulté. Comprendre également les piètres résultats des essais d’arrêt du tabac avec 80% de rechutes à un an malgré gomme, patch et autres médicaments.
Tout d’abord, il n’y a pas que la nicotine qui crée la dépendance : dans la fumée, des milliers d’autres agents d’aromatisation comme la réglisse, les sucres, le menthol ou l'ammoniaque favoriseraient l’installation et le maintien de la dépendance. Pire, pour certains scientifiques, ces fumées agréables décupleraient le potentiel d’addiction de la nicotine. Et cette propriété serait plus marquée chez certains que chez d’autres où le tabac deviendrait alors aussi attractif que l’héroïne, la cocaïne ou l’alcool.
Docteur Jean-François Lemoine
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