Non, la menace mondiale liée au coronavirus chinois n’est pas “modérée” mais “élevée”. L’OMS a relevé son niveau après l’avoir qualifié par erreur de “modérée”. “Il s’agissait d’une erreur de formulation, et nous l’avons corrigée”, a déclaré une porte-parole de l’organisation à l’AFP. Cette correction ne change toutefois pas le fait que l’OMS ne considère pas que l’épidémie constitue une “urgence de santé publique de portée internationale”, a-t-elle précisé. Dans le même temps, des experts en épidémiologie ont annoncé que, selon les premières données disponibles, l’épidémie devrait durer plusieurs mois et faire des dizaines de milliers de malades.
Avant de rectifier son erreur, l’OMS avait écrit dans ses rapports de situation que le risque était “très élevé en Chine, élevé au niveau régional et modéré au niveau international. Cela ne veut absolument pas dire que nous avons changé notre évaluation du risque, mais cette erreur s’est glissée”, explique la porte-parole.
Jusqu’ici, l’OMS n’a utilisé le terme “urgence de santé publique de portée internationale” que pour de rares cas d’épidémies nécessitant une réaction mondiale vigoureuse, comme par exemple lors de la grippe porcine H1N1 en 2009, où on l’avait ensuite jugée trop alarmiste. En 2014, elle a également employécette appellation pour désigner Ebola, qui ravageait une partie de l’Afrique de l’Ouest. On l’alors accusé au contraire d’avoir mis trop de temps à mesurer l’ampleur de la crise. En, 2016 lorsque Zika se propageait à vitesse grand V en Amérique du Sud, l’OMS l’a également qualifié d'“urgence de santé publique de portée internationale”.
“Cela ne va pas s’arrêter le mois prochain”, assurent les experts
Si l’OMS se refuse à employer ce terme pour qualifier l’épidémie de coronavirus chinois, que les scientifiques ont nommé virus 2019-nCoV, ces derniers ne sont nullement rassurants sur le sujet. “Cela ne va pas s’arrêter la semaine prochaine ou le mois prochain”, renchérit Alessandro Vespignani, professeur à l’université américaine de Northeastern, qui coordonne un groupe de chercheurs publiant des analyses en temps réel sur l’épidémie.
“Le meilleur des scénarios serait que cela continue au printemps, à l’été, et puis qu’ensuite ça retombe”, explique David Fisman, professeur à l’université de Toronto (Canada), et auteur d’un bulletin pour la Société internationale des maladies infectieuses, à l’AFP.
Ces derniers jours, de nombreux spécialistes ont calculé le taux de reproduction de base, ou R Zéro, qui représente le nombre de personnes contaminés par une personne infectée. Leurs estimations vont de 1,4 à 3,8, ce qui est modéré, mais ce chiffre n’est qu’une moyenne. Ainsi, certains patients ont pu contaminer beaucoup de gens tandis que d’autres pas du tout.
A titre de rappel, ce taux est de 1,3 pour la grippe saisonnière et de 2 à 5 pour le Sras qui a fait 774 morts en Asie du Sud-Est 2002/2003. Pour la rougeole, il est de 12 à 18. Avec des mesures d’isolement et des lavages de mains systématiques, le nombre de personnes infectées pourrait diminuer. Quand il tombera sous 1, l’épidémie s’éteindra, expliquent les experts.
Un taux de mortalité autour de 3%
“Le Sras était contrôlable, donc on espère que celui-ci le sera aussi, mais on ne le saura que dans quelques semaines (…) Cela prendra des semaines, probablement des mois, et personne ne sait comment cela évoluera”, détaille David Fisman. Il faudra donc probablement attendre une à deux semaines avant que les mesures prises par la Chine ces derniers jours ne se fassent ressentir.
Une autre interrogation importante concerne la période de contagion de 2019-nCoV. Si, jusqu’à ce weekend, on pensait que les malades devenaient contagieux seulement après l’apparition des symptômes, les autorités chinoises assurent désormais le contraire. L’OMS n’a pas encore tranché sur la question. Quant à la période d’incubation, elle est estimée à environ deux semaines.
Actuellement, la Chine a confirmé un peu plus de 4 000 malades et 100 morts sur son territoire. A l’étranger, une cinquantaine de cas ont pour l’heure été détectés. Pourtant, les experts craignent que, comme à l’époque du Sras, Pékin ne dissimule l’ampleur de l’épidémie. D’autant plus que de nombreux cas n’ont pas encore été détectés. Ainsi, selon le groupe coordonné à Northeastern, le nombre réel de cas chinois est sans doute de plus de 25 000. A l’université de Hong Kong, des chercheurs estiment quant à eux le nombre de cas à plus de 40 000.
Quant au nombre de morts possibles, il est difficile à estimer. Jusqu’à présent, le taux de mortalité se situe aux alentours de 3%, mais il a tendance à monter quand les patients les plus vulnérables meurent et à baisser ensuite pour remonter à nouveau. Il nous faudra donc encore attendre quelques semaines avant que la véritable ampleur du danger du coronavirus ne soit publiquement révélée.