Dépression ou anxiété, santé des artères… Le rôle des bactéries peuplant nos intestins, de notre microbiome, est multiple. Il peut en réalité réguler nos fonctions biologiques, y compris le squelette. Des chercheurs de l’université médicale de Caroline du Sud (Etats-Unis) ont examiné l'influence de bactéries spécifiques, les bactéries filamenteuses segmentées, sur le développement squelettique post-pubertaire. Leurs résultats, publiés dans le Journal of Bone and Mineral Research Plus, démontre que ces bactéries augmentent la réponse de cellules immunitaires situées dans l’intestin et le foie. Cela perturbe l’accumulation de masse osseuse.
“Il s’agit du premier rapport connu à montrer que dans le microbiote intestinal, des microbes spécifiques ont la capacité de réaliser une croissance et une maturation squelettiques normales”, déclare Chad M. Novince, auteur principal de l’étude. Avec son équipe, il se concentre sur le développement squelettique post-pubertaire. Pendant cette période, la masse osseuse d’une personne augmente de 40%. Pour analyser les effets des bactéries filamenteuses segmentées sur la santé du squelette, les chercheurs ont travaillé sur des souris, munies d’un microbiote défini.
Un déséquilibre “préjudiciable au squelette”
Un groupe de souris présentait des bactéries filamenteuses segmentées, et l’autre en manquait. La composition d’un os repose sur l’équilibre entre ostéoblastes et ostéoclastes. Les ostéoblastes participent à la formation de l’os et les ostéoclastes participent à la résorption de l’os, nécessaire au maintien de la solidité osseuse. “La colonisation par les bactéries filamenteuses segmentées a provoqué un décalage des deux côtés de l’axe: l’activité des ostéoclastes a augmenté et l’activité des ostéoblastes a diminué, ce qui est préjudiciable au squelette”, décrit le professeur Novince.
De plus, les chercheurs ont constaté que la présence de bactéries filamenteuses segmentées a stimulé l’immunité hépatique. Elles ont notamment permis l’augmentation de facteurs immunitaires, qui sont produits dans le foie. Parmi ces facteurs, la lipocaline-2, qui influence le métabolisme osseux. Ces résultats démontrent que les bactéries filamenteuses segmentées ont des effets dans l’intestin, mais également dans le foie, ce qui influence le métabolisme osseux.
Modifier le microbiome pour préserver la masse osseuse
“Si nous pouvons empêcher la colonisation ou épuiser des microbes spécifiques tels que les bactéries filamenteuses segmentées du microbiome, il existe un potentiel clinique pour optimiser l’accumulation de masse osseuse pendant le développement squelettique post-pubertaire”, prédit Chad Novince. La majorité de la masse osseuse d’une personne s’accumule à l’adolescence et après la puberté.
À mesure qu’une personne vieillit, elle commence lentement à perdre de la masse osseuse, ce qui l’expose à des fractures ou à de l’ostéoporose. Moduler les taux de bactéries filamenteuses segmentées pourrait limiter les risques liés au vieillissement. On sait déjà, par exemple, que l’alimentation, les probiotiques et les antibiotiques ont des effets importants sur la composition du microbiote.