Pourrons-nous bientôt acheter nos médicaments sans ordonnance sur Internet ? Un projet de loi nommé “Asap” (pour Accélération simplification de l'action publique) et présenté mercredi 5 février en conseil des ministres prévoit en effet d'assouplir la réglementation qui encadre la vente de médicaments en ligne, comme c'est le cas dans d'autres pays. Une proposition mal accueillie par les pharmaciens, d'autant que le marché de ces médicaments accessibles en libre service représente 2 milliards d'euros.
Actuellement, il est possible de se procurer des médicaments ne nécessitant aucune ordonnance sur certaines plateformes en ligne, mais les conditions sont très encadrées. Un pharmacien peut en effet ouvrir un site Internet et expédier les médicaments à condition qu'il dispose d'un stock adossé à son officine, explique à BFMTV Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). “Les pharmaciens peuvent mutualiser un site internet”. C’est lui “qui expédie le médicament” et qui tire bénéfice de la transaction.
Amazon, l'ennemi des pharmaciens
Le projet de loi prévoit d'autoriser la vente de médicaments stockés sur un autre site qu'une pharmacie. “Avec ce texte, on ouvre la voie à l'ubérisation de la pharmacie, s'est-il indigné dans les colonnes du Parisien. Demain, si Amazon veut s'associer à un ou plusieurs pharmaciens diplômés, il pourra le faire et se lancer dans la vente en ligne de médicaments. On passe au stade de la marchandisation du médicament contre laquelle nous nous sommes toujours battus.”
Si Gilles Bonnefond s'inquiète de l'appât alléchant que peut constituer une telle loi pour Amazon, c'est que le géant d'Internet s'est déjà lancé dans la vente en ligne de médicaments aux Etats-Unis, sous la marque Amazon Pharmacy. Selon les réponses à un questionnaire qu'il a envoyé à 25 000 pharmaciens en France, “plus de 90 % sont hostiles à l'ouverture de plateformes détachées des officines, et 97 % se disent prêts, s'il le faut, à se battre.”
Agnès Buzyn, mauvaise candidate pour tempérer
La ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn s'est montrée rassurante au micro de BFMTV et RTL mercredi : “Nous ne souhaitons pas que des plateformes vendent des médicaments comme on vend des livres. […] Nous allons prendre tous les engagements nécessaires pour rassurer les pharmaciens. Cela doit rester à la main des pharmaciens d’officine”, a-t-elle déclaré. En outre, même la plateforme Internet devra être rattachée “à la licence d’une officine et placée sous le contrôle du pharmacien”.
“personne ne sera plus fort qu’Amazon”, estime Gilles Bonnefond. Par ailleurs, ce n'est pas la ministre de la Santé qui est chargé du projet de loi, mais le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Action et des comptes publics, Olivier Dussopt.