Que ce soit pour l’Agence Nationale pour la prévention et l’amélioration de la qualité de l’air, ou de grandes revues comme le British Medical Journal et The Lancet, il existe un lien indéniable entre pollution urbaine, accidents cardiovasculaires et risque de mortalité cardiaque, notamment chez des gens fragilisés par une pathologie sous-jacente comme le diabète, les problèmes de poumon ou l’insuffisance cardiaque.
Respirer seulement quelques heures l’air pollué qui sort du moteur des voitures et des usines est une cause de l’augmentation des risques d’infarctus, d’AVC, d’arythmie. Une vaste étude sur la pollution atmosphérique et les maladies cardiovasculaires, publiée par l’American Heart Association (AHA), le révèle de façon indiscutable.
Bien sûr, les facteurs de risque classiques de maladies cardiovasculaires, comme le tabagisme, l’obésité, le diabète ou l’hypertension, demeurent prédominants, mais le rôle de la pollution atmosphérique, longtemps laissé pour compte, doit aussi être considéré. Ce n’est plus une surprise pour les médecins. Les salles d’urgences se remplissent les jours de pics de pollution. Un des premiers à l’avoir constaté puis démontré est le professeur Yves Cottin, chef de service au CHU de Dijon. Il travaille depuis très longtemps pour comprendre pourquoi la pollution pouvait tuer de plus en plus de gens dans notre pays. Car si l’on savait qu’elle était responsable d’un nombre important de morts, on ignorait par quel mécanisme. Et contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, ce ne sont pas nos poumons qui souffrent le plus, mais notre cœur.
Pendant des années, ce médecin bourguignon, avec l’aide de tous les médecins de la région, s’est intéressé aux infarctus survenant en zone urbaine. Là où bien évidemment la pollution est plus sensible qu’à la campagne, mais surtout là où les chiffres de pollution sont connus quotidiennement. Car il existe un indice dans notre pays qui fixe les règles d’alerte. Et la première découverte a été incontestablement de démontrer que dès l’indice de pollution de 7 – ce qui est une pollution extrêmement moyenne et d’ailleurs fréquemment atteinte à Paris –, le nombre d’infarctus du myocarde augmente de 161 %. Et si l’on isole parmi ces résultats les fumeurs de cet indice de 7, le nombre est multiplié par 3.
Enfin, contrairement à ce que l’on croyait, ce n’est pas un problème d’ozone ou d’autres gaz émis dans l’atmosphère qui semble responsable de cette dégradation de l’état de notre cœur ou de nos vaisseaux, mais plus particulièrement les petites particules microscopiques – moins de 10 microns – que par exemple les moteurs diesel non équipés de filtre disséminent dans la nature. Lorsque leur concentration est trop importante, le nombre d’infarctus est multiplié par 2.
Quels conseils donner en pratique ?
Reste maintenant à répondre à une question essentielle... Faut-il demander aux fumeurs de rester à la maison lorsque l'indice est au-dessus de 7 ? C'est sans doute irréalisable, mais en revanche, la moindre douleur au niveau de la poitrine chez un fumeur un jour de pollution doit entraîner sa visite immédiate aux urgences d'un hôpital.
Les réactions individuelles aux polluants atmosphériques varient selon le type d’agent auquel les personnes sont exposées, le degré d’exposition, ainsi que l’état de santé et le patrimoine génétique de la personne. Il faudrait commencer à introduire l’idée qu’au-delà des comportements individuels, au-delà du patrimoine génétique de chacun rendant les individus plus ou moins sensibles, il y a une raison plus large, celle de la pollution de l’air. Un facteur environnemental de grande ampleur qui devrait établir un lien entre le comportement de tous et les victimes de maladies cardiovasculaires.
Docteur Jean-François Lemoine
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