Onze millions de femmes africaines ont été infectées par le paludisme en 2018. Le Plasmodium falciparum, le parasite à l’origine de cette maladie, est particulièrement dangereux pour les bébés lorsqu’il affecte la mère pendant la grossesse. Ainsi, toujours en 2018, 900 000 enfants sont nés avec un poids faible pour cette raison dans les pays africains. Aujourd’hui, il n’existe pas de vaccin pour protéger les femmes enceintes du paludisme (ou malaria). Des chercheurs français en ont développé un, dont les premiers résultats sont prometteurs. L’étude est publiée dans la revue Lancet Infectious Diseases. L’inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) avance que ce vaccin, appelé PRIMVAC, pourrait empêcher jusqu’à 10 000 décès maternels et 200 000 décès infantiles chaque année.
Fausse couche, retard de croissance, mortalité infantile
Dans les pays d’Afrique subsaharienne, le paludisme sévit de manière permanente. Ainsi, la population acquiert une immunité durant son enfance. Ce n’est pas le cas pour les femmes enceintes car lors de la grossesse, les globules rouges infectés par le parasite s’accumulent au niveau du placenta. Cela favorise l’anémie, c’est-à-dire le manque de globules rouges, et l’hypertension artérielle maternelle. Le risque de fausse couche, d’accouchement prématuré et de retard de croissance du foetus augmente. Avec, à la clé, un risque de mortalité infantile qui augmente également. Il est important de noter que les femmes sont concernées pour leur première grossesse, voire la deuxième. Après avoir été infectées une première fois, elles acquièrent une immunité qui les protège lors des grossesses suivantes.
Un vaccin développé depuis vingt ans
Une équipe de chercheurs de l’Inserm, du CNRS, et de l’université de Paris développe, depuis plus de vingt ans, un vaccin qui pourrait apporter une immunité dès la première grossesse. “Ce vaccin stimule la production d’anticorps qui vont empêcher le parasite d’adhérer au placenta, explique Benoît Gamain, directeur de recherche au CNRS. L’idée est de reproduire l’immunité naturellement acquise par les femmes ayant eu plusieurs grossesses. Il aurait pour cible les jeunes femmes africaines n’ayant pas encore eu de rapport sexuel.” Pour tester la sécurité et l’efficacité de ce nouveau vaccin, un essai clinique a été mené entre mai 2016 et septembre 2017. Soixante-huit femmes non enceintes âgées de 18 à 35 ans ont reçu trois doses de vaccin étalées sur trois mois. Dix-huit d’entre elles ont participé à l’étude au centre d’investigation clinique Cochin Pasteur à Paris, et les 50 autres au Burkina Faso. Les patientes ont ensuite été suivies pendant un peu plus d’un an. Les chercheurs ont surveillé la survenue d’éventuels effets indésirables et étudié la réponse immunitaire causée par le vaccin.
De bons résultats après deux injections
“Aux trois doses testées, le vaccin a été bien toléré par la totalité des participantes. Les douleurs à l’endroit de l’injection ont été les principaux effets indésirables constatés, rapporte Benoît Gamain. Par ailleurs, nous avons mis en évidence que la quantité d’anticorps générés par le vaccin augmente après chaque vaccination et que ceux-ci persistent jusqu’à 15 mois après la première injection”. Ces résultats sont encourageants, car ils montrent une capacité à déclencher une réponse immunitaire durable et potentiellement protectrice contre le paludisme gestationnel après seulement deux injections. De nouvelles études, avec un plus grand nombre de participantes et sur une durée plus longue, devront être menées. “Il faudra ensuite évaluer leur l’efficacité vaccinale lors d’une première grossesse avant d’envisager une mise sur le marché”, conclut Benoît Gamain.