Alors que la plupart des scientifiques mènent leurs études sur des souris, la truite elle aussi peut nous apprendre des choses sur notre corps. Plus particulièrement la truite arc-en-ciel, analysée par des chercheurs de l’université de Pennsylvanie (Etats-unis). En effet, ils ont découvert qu’un type particulier d’anticorps joue un rôle essentiel dans le combat contre la maladie et la préservation du microbiome. Des travaux qui abordent la question suivante: les anticorps muqueux — ceux présents sur les surfaces muqueuses du corps comme l’intestin chez l’humain ou les branchies chez les poissons — ont-ils évolué pour combattre les agents pathogènes et préserver un microbiote sain? Leurs résultats sont publiés dans la revue Science Immunology.
Réduire les mauvais microbes, garder les bonnes bactéries
Les chercheurs américains ont effectivement découvert qu’un anticorps muqueux, une immunoglobuline, joue ce rôle essentiel. “Nous avons constaté qu’elle joue deux rôles paradoxaux: d’une part, réduire les mauvais microbes et, d’autre part, favoriser la présence de certaines bactéries bénéfiques, explique J. Oriol Sunyer, chercheur à la Penn’s School of Vetenary Medicine et auteur de l’étude. Les poissons sont les premiers vertébrés à posséder un système immunitaire muqueux, et donc le fait qu’ils possèdent une immunoglobuline spécialisée qui remplit les deux fonctions suggère que ces deux processus sont si fondamentalement importants pour la survie des vertébrés, qu’ils sont apparus simultanément, et tôt dans l’évolution.” Chez les poissons, cette immunoglobuline est baptisée IgT. Chez les mammifères, cela correspond à l’immunoglobuline IgA.
Sans immunoglobuline, des lésions et une inflammation à la clé
“Au cours des dernières années, certaines études clés ont montré que l’IgA est nécessaire pour contrôler le microbiome des mammifères. Chez les souris et les humains dépourvus d’IgA, leur microbiome change: les bactéries bénéfiques diminuent et les bactéries potentiellement pathogènes augmentent”, détaille Sunyer. Toutefois, ces travaux n’ont jamais démontré le rôle précis de l’IgA dans la préservation du microbiome. Alors, avec son équipe, J. Oriol Sunyer a développé un modèle de poisson adulte dans lequel les ressources en IgT ont été épuisées pendant deux mois. Les chercheurs ont alors constaté que la présence d’un parasite muqueux augmentait considérablement. De plus, chez les poissons dépourvus d’immunoglobuline IgT, des bactéries se sont “échappées” de la surface des branchies pour pénétrer dans les tissus et entrainer des lésions et une inflammation. Ainsi, les chercheurs ont constaté chez ces poissons une dysbiose, c’est-à-dire un déséquilibre de l’écosystème bactérien.
Le microbiome a une capacité de récupération
L’avantage, c’est que rapidement après l’étude, les taux d’IgT sont revenus à la normale. Les chercheurs ont ainsi observé une réelle “récupération” du microbiome, un retour à la normale. "Dans les études sur le microbiome, la récupération est un point très important, déclare Sunyer. Lorsque vous prenez un antibiotique, vous pouvez perturber votre microbiome dans la mesure où la récupération peut prendre du temps. La perturbation que nous avons utilisée pour éliminer les IgT a eu un effet profond mais transitoire sur la composition du microbiome, qui a subi une récupération rapide.” Cette étude démontre ainsi que travailler sur des mammifères ne suffit pas pour comprendre le rôle du microbiome et son fonctionnement. De plus, Sunyer estime que ces travaux pourront favoriser l’utilisation d’espèces spécifiques de bactéries de poissons en tant que probiotiques, dans le but de stimuler le système immunitaire.