A 71 ans, Myriam a commencé à avoir des petites pertes de mémoire. « Rien de grave, dit-elle en souriant, mais on parle tellement de la maladie d’Alzheimer que je me suis dit que j’allais faire un test ». En quelques clics sur Internet, elle a trouvé un test réalisable en ligne en quelques minutes. Une quinzaine de questions plus loin, le résultat est tombé : « J’avais d’importants troubles de mémoire. Certes, il était précisé que ce n’était pas forcément la maladie d’Alzheimer, mais je devais quand même consulter de toute urgence ». Finalement, plus de peur que de mal pour Myriam. « J’ai vu mon généraliste qui m’a fait repasser un test et il n’y avait aucun signe inquiétant ».
Myriam n’est évidemment pas la seule à avoir vécu ce genre de mésaventure, vu le nombre de sites qui propose des tests de mémoire en ligne. Et vu le nombre de séniors qui sont inquiets dès que des oublis de petites choses du quotidien se multiplient. C’est pourquoi une équipe de chercheurs canadiens a tenté faire le tri dans cette offre Internet. Ils ont donc passé pas moins de 16 de dépistage en ligne au ban d’essai et les résultats de leur étude viennent d’être présentés au congrès de l’association internationale de la maladie d’Alzheimer qui se tient à Boston du 13 au 18 juillet. Ces auto-tests, disponibles sur des sites très fréquentés – parfois par plus de 8 millions de visiteurs uniques par mois – ont été évalués à la fois sur leur valeur scientifique, la fiabilité de leur évaluation, leur performance en terme d’échange homme-ordinateur et enfin leur caractère déontologique.
75% des test sont jugés "mauvais"
Et les résultats ne sont pas brillants. Selon le panel d’experts qui a mené ce travail, 12 des 16 tests étaient jugés « mauvais », voire « très mauvais » en terme de valeur scientifique et de fiabilité de l’évaluation. Sur le plan éthique, la note est encore plus sévère : aucun des 16 sites n’avait la moyenne. Les obligations en terme de recueil du consentement, de respect de la vie privée ou encore de transparence sur les éventuels conflits d’intérêt n’étaient pas respectées. La conclusion de Julie Robillard, principal auteur de ce travail, est sans appel : « Ces tests diagnostic en libre accès risquent de nuire à une population vulnérable et d’avoir un impact négatif sur leur santé ».
Bien sûr, ces tests, basées sur une batterie de questions relativement simples, sont souvent les mêmes que ceux que les médecins utilisent et ils paraissent basiques. Pour autant, les laisser en accès libre pose problème.
Ecoutez le Pr Bruno Dubois, directeur de l’Institut de la mémoire et de la maladie d’Alzheimer : « Ce qui fait la qualité de ces tests, ce sont les experts qui en font l'interprétation.»
Si Internet n’est pas le lieu pour poser un diagnostic de maladie d’Alzheimer, ni même l’évoquer, le médecin généraliste peut dans un premier temps faire passer des tests de mémoire. Et ce n’est que s’il perçoit une anomalie qu’il sera alors nécessaire de prendre rendez-vous dans une consultation mémoire, ou chez un spécialiste de ville tel qu’un neurologue, un gériatre ou un psychiatre qui pourront faire un bilan plus approfondi. Et enfin, si la personne est particulièrement jeune (moins de 60 ans) ou si le cas complexe, il existe alors un 3ème niveau : le centre mémoire de ressource et de recherche qui est en fait le centre expert régional. Il dispose lui de moyens plus sophistiqués comme l’IRM, le pet scan ou encore la ponction lombaire. Quoiqu’il arrive, pour être efficace, les tests de mémoire ne doivent pas être trop divulgués auprès du grand public.
Ecoutez le Pr Bruno Dubois : « Il faut laisser le patient un peu naïf par rapport à ces tests. Si la personne apprend les questions par coeur, on va se tromper sur l'évalutation. »
Enfin, les tests évaluant les fonctions cognitives, même faits par un médecin, ne peuvent en aucun cas permettre, à eux seuls, de poser un diagnostic de maladie d’Alzheimer. Ils doivent toujours être complétés par un examen d’imagerie cérébrale et il même recommandé de pratiquer cette batterie d’examens deux fois, à au moins six mois d’intervalle, pour avoir un début de certitude.