Dans son rapport sur la filière du sang transmis hier à la ministre de la Santé Marisol Touraine le député socialiste Olivier Varan préconise d'ouvrir le don du sang aux homosexuels. Pour le député de l'Isère la réussite du système devrait davantage reposer sur un contrôle des comportements et non sur l'identité sexuelle. Car aujourd'hui, cette discrimination n'est plus supportable pour certaines associations et des failles ont été décelées dans le dispositif. Alors, pourquoi faut-il changer les règles ?
Tout d'abord, le système ne fonctionne plus. En effet, dans son rapport, Olivier Varan précise que « sur les 30 dernières poches de sang infectées par le VIH trouvées en France, seulement une sur deux provenait de personnes qui avaient des rapports homosexuels ». Face à ce constat, on pourrait tirer deux conclusions. D'une part, il semblerait que la règle qui exclue du don du sang les homosexuels soit contournée et d'autre part, le risque serait visiblement identique chez les deux groupes. Leur dénominateur commun, les comportements à risque.
Et justement, c'est sur ce point là que les avis divergent. Une étude française publiée dans The Lancet en 2010 révélait en effet que le risque d'infection par le VIH est 200 fois plus élevé parmi les homosexuels masculins que parmi les hétérosexuels. Et Bruno Spire, le président d'Aides, une des principales associations françaises de lutte contre le sida d'avancer un autre argument allant dans le sens de cette exclusion, « le don de sang n'est pas fait pour démontrer l'égalité des droits. Sur le principe nous ne sommes pas farouchement contre (Ndlr: l'ouverture du don du sang aux homosexuels ) mais aujourd'hui nous nous y opposons toujours car le risque résiduel de transmettre le vih chez une personne ayant un test négatif, reste plus élevé dans la population homosexuelle masculine. Le combat actuel, c'est celui de la prévention des risques et de la protection des personnes homosexuelles ».
Mais pour les partisans du don du sang ouvert aux homosexuels, comme l'association Pourquoi sang priver, on stigmatise ainsi l’ensemble des homosexuels comme une population à risque au lieu de tenir compte des comportements de chacun. Pour Cyril Chevreau, président de cette association, interrogé en janvier 2012, « ces études sont réalisées à la sortie des back-rooms, c’est comme réduire la sexualité des hétéros aux clubs échangistes ».
De plus, « persister dans l’exclusion permanente des donneurs homosexuels pourrait se révéler contre-productif pour la sécurité du don », estimait à la même époque le Pr Gilles Pialoux, du service des maladies infectieuses et tropicales, de l'hôpital Tenon, Paris. « La volonté de lutter contre une mesure jugée discriminante pour les homosexuels est l'une des motivations avancée par ces donneurs homos qui parfois n'hésitent plus à sous déclarer certains de leurs comportements sexuels. Les règles doivent donc changer car cette interdiction peut-être au final contre-productive de l'effet escompté », concluait-il.
Enfin, de son côté, l'Association Pourquoi sang priver a fait le calcul: si les homosexuels étaient autorisés à donner dans les mêmes conditions que les hétérosexuels, l'Etablissement Français du sang pourrait compter sur 26 000 donneurs supplémentaires. « Pourquoi cracher dessus ?, s'interrogeait Cyril Chevreau, c'est de la surenchère au principe de précaution, ce n'est pas autre chose ».