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Antibiorésistance : grâce à l'intelligence artificielle, des chercheurs découvrent un puissant antibiotique

Par Raphaëlle de Tappie

Des chercheurs américains ont annoncé avoir découvert un nouveau composé antibiotique puissant grâce à un algorithme d'apprentissage automatique, une première mondiale. 

Fahroni/iStock

Diagnostic précoce de cancers, prédiction de risques de crises cardiaques, montres connectées, détection de signe de dépression sur les réseaux sociaux… Depuis quelques années, l’intelligence artificielle révolutionne le secteur de la santé. Elle permettrait également d’aider à mettre au point de nouveaux antibiotiques plus efficaces. A l’heure où de plus en plus de bactéries développent des résistances aux antibiotiques, des scientifiques du Massachusetts Institue of Technology (MIT), aux Etats-Unis, ont annoncé avoir identifié un nouveau composé antibiotique grâce à un algorithme d’apprentissage automatique. D’après leur article paru le 20 février dans la revue Cell, ce médicament agit différemment des antibactériens existants. C’est le premier de son genre à être découvert.

Les chercheurs ont entraîné la machine à analyser des milliers de composés pharmaceutiques. Parmi 2 500 molécules, 1 700 médicaments approuvés par la FDA, l’Agence de santé américaine, et 800 produits naturels, celle-ci a identifié un ancien candidat médicament. A l’origine développé pour traiter le diabète, celui-ci avait été abandonné en cours de développement.

Lors de tests en laboratoire, ce médicament aurait réussi à éradiquer deux des trois agents pathogènes classés comme critiques par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), dont certaines souches résistantes à tous les antibiotiques connus. Le composé, baptisé halicine, a ainsi réussi à détruire Mycobacterium tuberculosis, le virus responsable de la tuberculose ou des infections Acinetobacter baumannii multirésistantes chez la souris.

“L’un des antibiotiques les plus puissants découverts à ce jour”

En matière de découvertes d'antibiotiques, il s'agit absolument d'une première”, se félicite Regina Barzilay, l'une des deux chercheuses du MIT, auprès du Guardian. “Je pense que c'est l'un des antibiotiques les plus puissants qui ont été découverts à ce jour, renchérit James Collins, bio-ingénieur de l'équipe du MIT. Il a une activité remarquable contre un large éventail de pathogènes résistants aux antibiotiques.”

D’après les chercheurs, il aurait été impossible de cribler tous les composés par voie traditionnelle puis de les tester en laboratoire. “Le fait de pouvoir effectuer ces expériences à l'ordinateur réduit considérablement le temps et le coût de l'examen de ces composés", expliquent-ils. 

Regina Barzilay veut maintenant utiliser l'algorithme pour identifier des antibiotiques plus sélectifs dans les bactéries qu'ils tuent. Ainsi, prendre des antibiotiques ne tuerait que les composés responsables des infections, et non toutes les bactéries saines vivant dans l'intestin. A terme, les scientifiques aimeraient également perfectionner la machine pour concevoir de nouveaux antibiotiques.

Le travail est vraiment remarquable, commente Jacob Durrant, qui travaille sur la conception de médicaments assistée par ordinateur à l'université de Pittsburgh (Etats-Unis), auprès du Guardian. Cette approche met en évidence la puissance de la découverte de médicaments assistée par ordinateur. Il serait impossible de tester physiquement l'activité antibiotique de plus de 100 millions de composés. Compte tenu des coûts habituels de développement des médicaments, en termes de temps et d'argent, toute méthode qui peut accélérer la découverte de médicaments à un stade précoce a le potentiel d'avoir une grande influence”, poursuit-il.

“De nombreuses initiatives sont en cours pour réduire la résistance”

Selon une étude publiée en novembre 2018 dans la revue The Lancet Infectious Diseases, en 2015, dans l’Union européenne, 33 000 personnes sont décédées faute d’avoir reçu un traitement antibiotique efficace contre des bactéries qui ont développé des résistances. Si de nouveaux antibiotiques efficaces contre ces dernières ne sont pas rapidement mis au point, 10 millions de vies dans le monde pourraient être menacées chaque année par des infections d’ici 2050.

C’est pourquoi, en janvier, l’OMS a alerté sur l’aggravation de l’antibiorésistance. “Nous voyons que cela se propage et nous sommes à court d’antibiotiques efficaces contre ces bactéries résistantes”, a déclaré Peter Beyer, du département des médicaments essentiels de l’Organisation, le 17 janvier lors d’un point presse organisé à Genève en Suisse. “De nombreuses initiatives sont en cours pour réduire la résistance, mais nous avons aussi besoin que les pays et l'industrie pharmaceutique s'impliquent davantage et apportent des fonds durables et de nouveaux médicaments innovants”, a développé le directeur de l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus.