Quand des danseurs de carnaval se mêlent aux patients d’un hôpital psychiatrique… Le 22 février à Rio de Janeiro (Brésil), l’Institut municipal de Silveira, anciennement Centre Psychiatrique Pedro II, a ouvert ses portes pour accueillir le cortège Loucura suburbana (la folie des faubourgs). Une coutume instaurée depuis vingt ans dans un esprit d’inclusion, car les patients passent l’année à préparer le défilé, que ce soit dans les ateliers de percussion ou de confection des costumes.
“Qui est fou et qui ne l'est pas dans notre société? C'est ça le carnaval: tout le monde fait ressortir sa folie”, témoigne à l’AFP une enseignante de 46 ans déguisée en diable. “Les gens qui se disent normaux pensent que les patients n'ont pas de rêves, qu'ils vivent dans un monde à part, mais ils sont aussi très créatifs”, renchérit son mari. “Le cortège m'a sauvé. Ici, je me suis fait des amis, j'ai une famille, raconte une patiente de l’hôpital. J'aime bien les activités culturelles. Quand j'avais des crises, j'écrivais des vers sur ce que je ressentais, je dessinais”, explique-t-elle.
Le processus créatif à des fins thérapeutiques
L'art-thérapie, qui consiste à utiliser le processus créatif à des fins thérapeutiques, a ici été mis en place par la psychiatre Nise da Silveira. Se refusant à pratiquer la lobotomie ou les électrochocs à l’époque où cela était pourtant monnaie courante, elle a commencé à initier ses patients aux arts plastiques.
“L'art permet de stimuler l'inconscient et aide dans le processus de guérison, explique à l'AFP la psychologue Ariadne Mendes, 69 ans, cofondatrice de Loucura suburbana. Auparavant, les patients étaient isolés de leur famille, de la société. Ils étaient enfermés, cachés", poursuit-elle. Depuis 2010, le Centre culturel Loucura suburbana propose des ateliers gratuits de musique, de percussion et d’informatique au sein de l’hôpital. Outre les patients, les gens du quartier sont les bienvenus.
Une pratique popularisée par Jung
L’art-thérapie utilise la création artistique, sous quelle que forme que ce soit, pour prendre contact avec ses sentiments, son rêve ou encore son inconscient et l’exprimer. Ainsi, le but du processus n’est pas artistique mais de laisser progressivement surgir ses images intérieures. D’après les adeptes de ce mouvement, ces dernières peuvent générer une vision et des comportements nouveaux qui permettront aux patients de se reconstruire sur un plan physique, émotionnel ou spirituel. Contrairement aux thérapies traditionnelles qui favorisent la parole, les images servent donc ici de fil conducteur.
Si l'application de l'art à des fins thérapeutiques existe depuis la Grèce antique, elle s’est popularisée dans la vie contemporaine grâce au psychiatre suisse Carl G. Jung (1875-1961). Ce dernier a commencé à explorer les bienfaits de l’expression dans le dessin au début du 20e siècle et a ensuite intégré cette approche dans sa pratique. Dans les années 1930, ce mouvement s’est introduit en Angleterre et aux Etats-Unis. Il est arrivé en France, bien plus tard, dans les années 1970. Cependant, en dépit des programmes de formations offert, cette pratique peine à s’implanter chez nous.
En 2016, une étude menée sur 39 adultes et parue dans la revue Art Therapy avait démontré que la création artistique permettait de réduire significativement les hormones liées au stress. Chez plus de la moitié des patients, l’art avait diminué la concentration de cortisol — hormone inflammatoire — dans le sang des participants, les aidant à se détendre d'avantage.