Depuis la fin de l’année 2019, un décret gouvernemental incite les agriculteurs à écarter l’épandage de glyphosate de 5, 10 ou 20 mètres des habitations. Cette mesure ne satisfait pas certaines ONG et associations, qui réclament des zones tampons d’au moins 150 mètres. Un recours a été déposé devant le Conseil d’Etat. Depuis cinq ans, le glyphosate est considéré comme “cancérogène probable” par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC). Pourtant, les évaluations officielles tendaient à minimiser l’effet du pesticide sur la santé. Ces tests sont de nouveau mis en cause par des chercheurs, qui les ont réanalysés. Leurs résultats sont publiés dans la revue Environmental Health.
“Difficile de comprendre” cette conclusion
En tout, les chercheurs se sont penchés sur treize études de cancérogénicité menées sur des rongeurs. Pour eux, le glyphosate est susceptible de déclencher des cancers sur les animaux exposés. Pourtant ces tests, menés pour la majeure partie par les industriels eux-mêmes, ont servi de base aux autorités (américaines et européennes) pour estimer que le pesticide n'avait pas de potentiel cancérogène. “Si les autorités réglementaires ont procédé à une analyse complète de toutes les preuves disponibles provenant des treize études de cancérogénicité animale, comme cela a été fait ici, il est difficile de comprendre comment elles ont pu parvenir à une conclusion autre que la capacité du glyphosate à provoquer des cancers chez les animaux du laboratoire”, conclut Christopher Portier, toxicologue et ancien directeur du National Toxicology Program (NTP) aux Etats-Unis.
Des risques de lymphomes sur les souris et l’homme
Au total, ce sont 37 cas d’augmentation d’incidence de tumeurs, malignes ou bénignes, qui ont pu être identifiés dans les données des treize études. Les chercheurs ont notamment constaté que le glyphosate pouvait provoquer des hémangiosarcomes (cancer des tissus mous), des cancers de la glande surrénale, des lymphomes malins, mais également des tumeurs des reins et du foie. De plus, les chercheurs ont constaté que les animaux mâles étaient plus fréquemment atteints que les femelles. Bien que certaines données obtenues sur les animaux soient parfois difficilement transposables à l’homme, la souris sert de modèle pour l’étude des lymphomes. Christopher Portier ajoute que des travaux récents conduits sur des agriculteurs “indiquent une élévation du risque de lymphomes non hodgkiniens (LNH) en lien avec des herbicides au glyphosate”.
“Masquer des éléments de preuve”
Initialement, les tests sont confidentiels et ne peuvent pas être consultés par la communauté scientifique. C’est grâce à un arrêt de la Cour européenne de justice (CJUE), en 2019, que Christopher Portier a pu soumettre ces tests à une réanalyse. Une question reste en suspens: pourquoi les agences sanitaires n’ont pas tiré les mêmes conclusions ? Selon Lianne Sheppard, professeure à l’université de Washington (Etats-unis), la réponse est simple. En 2016, elle avait été conviée aux travaux du comité d’experts de l’Agence de protection de l’environnement américaine (EPA). “J’ai été choquée de voir que la méthode de présentation de l’information scientifique adoptée par l’EPA était de nature à masquer des éléments de preuve”, a-t-elle écrit dans une tribune publiée le 20 février dans le magazine Forbes. “J’ai découvert de multiples incohérences entre les règles internes de l’EPA pour l’évaluation des risques et son approche dans l’examen du glyphosate.”