L’obésité est un véritable enjeu de santé publique. En 2016, plus de 1,9 milliard d’adultes étaient en surpoids dans le monde, selon les derniers chiffres de l’OMS. Parmi eux, plus de 650 millions étaient obèses. L’obésité peut entraîner d nombreuses complications comme du diabète de type 2, des maladies cardiovasculaires, de l’arthrose ou encore des cancers. A tel point que la plupart de la population mondiale vit d’ailleurs dans des pays où le surpoids et l’obésité font plus de morts que l’insuffisance pondérale. Parce qu’elle prédispose les personnes qui en sont atteintes à contracter des maladies ayant des conséquences invalidantes ou mortelles, l’obésité devrait être considérée comme une forme de vieillissement prématuré, selon une nouvelle étude canadienne parue dans la revue Obesity Reviews. Les pouvoirs publics devraient donc modifier leur stratégie par rapport à cette affliction, alertent-ils à l’approche de la journée mondiale unifiée contre l’obésité le mercredi 4 mars.
Réalisant que beaucoup d’enfants obèses développaient des maladies propres aux adultes comme l’hypertension, le diabète de type 2 ou un taux de choléstérol élevé, les chercheurs de l’université Concordia (Canada) ont décidé de s’intéresser au vieillissement entraîné par l’obésité. Si de nombreuses études avaient déjà fait le lien entre cette maladie et une mortalité prématurée, les scientifiques ont montré ici qu’elle accélérait le vieillissement même dans les plus infimes parties de l'organisme. Pour ce faire, ils ont passé en revue plus de 200 études sur les effets de l’obésité sur les cellules, les organes et le corps entier.
Des études ont ainsi montré que l’obésité entraîne chez la souris l’apoptose (processus de mort cellulaire) dans le cœur, le foie, les reins, les neurones, l’oreille interne et même la rétine. Elle empêcherait également le maintien des cellules saines, ce qui favorise le risque de cancers, de maladies cardiovasculaires, de diabète de type 2 et même la maladie d’Alzheimer. Sur le plan génétique, l’obésité entraînerait par ailleurs des altérations propres au processus de vieillissement, tel que le raccourcissement des télomères, des capuchons protecteurs situés à l’extrémité des chromosomes. En effet, chez les patients considérés comme obèses, les télomères étaient parfois 25% plus courts que chez les autres, ont pu observer les chercheurs.
“Nous posons des questions qui n’ont jamais été posées avant”
En abîmant différentes cellules immunitaires, l’obésité favorise par ailleurs, le déclin cognitif, la mobilité, l’hypertension et le stress, de la même façon que le vieillissement. Autre conséquence de l’affaiblissement du système immunitaire : les patients souffrant d’obésité sont plus vulnérables aux maladies comme la grippe. Enfin, les patients obèses seraient aussi plus susceptibles de souffrir de sarcophrénie, une maladie associée au vieillissement entraînant une perte progressive de la masse musculaire et de la force.
“Nous tentons de faire valoir que l'obésité a les mêmes effets que le vieillissement. Il semblerait que les comorbidités liées à l'obésité et au vieillissement se développent selon des mécanismes similaires, explique donc la professeure Sylvia Santosa, qui a dirigé l'étude. J'espère que ces observations orienteront notre approche pour nous aider à mieux appréhender l'obésité, et à l'aborder différemment. Nous posons des questions qui n'ont jamais été posées avant”, conclut-elle.
En France, 17% des adultes souffrent d’obésité
En France, 17% de la population adulte souffre d’obésité. Chez les enfants, 16% des garçons et 18% des filles sont concernés. Dans l’espoir de réduire ces chiffres, le gouvernement a lancé au mois de septembre un quatrième programme national de nutrition santé (PNNS). Au mois de décembre, la Cour des comptes a salué la politique de lutte contre l’obésité dans l’Hexagone.
“La France fait partie des rares pays qui se sont lancés (…) dans une politique publique de santé nutritionnelle ambitieuse”, peut-on lire dans un rapport félicitant cette politique “volontariste”. Volontariste mais “mal coordonnée”, s’inquiètent toutefois les magistrats. Pour plus d’efficacité, ces derniers conseillent en effet de passer par “une régulation plus contraignante” des industriels de l’agroalimentaire. “Pour améliorer la qualité nutritionnelle des aliments, les pouvoirs publics ont (…) choisi une méthode incitative reposant sur le volontariat des industries agroalimentaires”. Or, “les résultats obtenus par cette autorégulation montrent aujourd’hui leurs limites”, estiment-ils, proposant notamment une taxation supplémentaire des produits les moins bons sur le plan nutritionnel, comme cela a pu être fait avec le tabac.