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Prévention

L'odeur de tabac froid expose les non-fumeurs à du tabagisme ultra passif

Par Anaïs Col

L'odeur de tabac froid présente sur les fumeurs déposerait des composés toxiques dans l'air et exposerait les non-fumeurs à du tabagisme ultra passif. 

Terroa /iStock

L'odeur de tabac froid restée sur des fumeurs entrant dans une pièce présenterait de sérieux risques pour la santé des non-fumeurs présents. Tel est le constat alarmant d'une étude conjointement menée par des chercheurs américains et allemands et publiée dans la revue Science Advances

Ce que l'on appelle “la fumée tertiaire” provient “de la contamination directe des surfaces (par exemple, le corps et les vêtements des fumeurs, le mobilier, les surfaces intérieures et les matériaux de construction) et contient des composés organiques dangereux provenant de la combustion du tabac”, expliquent les chercheurs. Puis ces composés organiques volatils s'évaporent. On appelle cela les “dégagements gazeux”.

35 substances chimiques volatiles liées au tabagisme

Pour mesurer la génotoxicité, la cancérogénicité et le stress oxydatif éventuels de ces substances volatiles, les chercheurs ont disposé une technologie de prélèvement dans les conduits d’évacuation d’un cinéma allemand où il est interdit de fumer depuis 15 ans. 

L'expérience a été menée pendant 4 jours et a démontré que les niveaux de 35 substances chimiques liées au tabagisme (parmi lesquelles des composés cancérigènes comme le benzène et le formaldéhyde) ont augmenté lorsque des spectateurs entraient dans la cinéma. Selon les résultats de cette étude, l'exposition des non-fumeurs à ces substances toxiques équivaut à du tabagisme ultra passif (entre une et 10 cigarettes).

Les nourrissons et les enfants sont les plus vulnérables

La fumée tertiaire présente des risques pour la santé des non-fumeurs, en particulier pour celle des nourrissons et des enfants, qui représentent des populations particulièrement vulnérables”, notent les chercheurs. Si l'expérience a été menée dans un cinéma, ces résultats pourraient avoir été obtenus dans une crèche, une école, ou dans la salle d'attente d'un médecin où les personnels et autres personnes présentes sont fumeurs. 

Nos travaux démontre qu’il y a un dépôt substantiel de composants de fumée tertiaire par des personnes au sein d’un environnement intérieur non-fumeur”, conclut Drew R. Gentner, professeur de chimie à l'université de Yale (Royaume-Uni) et auteur principal de l'étude. 

Le tabagisme tue

En plus de ces particules toxiques volatiles, les non-fumeurs sont aussi exposés à la fumée de cigarette de leurs proches et de leurs collègues. Selon le dernier baromètre Santé publique France, “en 2017, 15,7% des personnes âgées de 18 à 64 ans exerçant une activité professionnelle déclarent avoir été exposées à la fumée de tabac des autres au cours des 30 derniers jours à l'intérieur des locaux sur leur lieu de travail”. Fort heureusement, le tabagisme à domicile a fortement diminué de 27,5 % en 2014 à 17,6 % en 2018, suggérant qu'un grand nombre de personnes fument désormais à l'extérieur.

En mai 2019, un groupe d'experts en médecine respiratoire estimait que le cancer du poumon chez les personnes qui n'ont jamais fumé est sous-estimé et “représente un défi diagnostic, en particulier pour les omnipraticiens qui cherchent à trouver un équilibre entre la surinvestigation, un diagnostic précoce et des soins de grande qualité.” 
En 2014, une étude menée dans les services de pneumologie de 104 hôpitaux français (CHU exclus) et portant sur 7 051 dossiers avait démontré que plus d’un patient sur dix (762) traité pour un cancer du poumon ne fumait pas. Parmi eux, 11% n’avait jamais fumé de leur vie mais 158 (20%) avaient été soumis au tabagisme passif.