Chacun le sait, bien dormir est essentiel pour la santé. Ne pas assez ou mal dormir ou nuit à la santé mentale, aux capacités de concentration, empêche de perdre du poids et favorise le risque de dépression. Par ailleurs, se réveiller ou s’endormir à des heures trop variables augmente les risques de problèmes cardiovasculaires tels que les crises cardiaques et les accidents vasculaires cérébraux (AVC), selon une nouvelle étude à paraître le 10 mars dans le Journal of the American College of Cardiology.
Pour en arriver à cette conclusion, des chercheurs du Brigham and Women's Hospital de Boston (Etats-Unis) ont analysé des données provenant d’une étude multiethnique sur l'athérosclérose. Les chercheurs ont ainsi pu cartographier les habitudes de sommeil des personnes ayant accepté de porter un actigraphe, un moniteur de suivi de l'activité porté au poignet, pendant une semaine. Ils ont ainsi obtenu des informations sur les heures de coucher, de réveil et la durée du sommeil des participants. Les scientifiques ont également eu accès à des informations sur leur suivi de santé, sur une période moyenne de 4,9 ans. Au cours de ce laps de temps, 111 participants ont subi des évènements cardiovasculaires.
Après ajustement des autres facteurs de risque de problèmes cardiovasculaires, les scientifiques ont remarqué que les personnes présentant les habitudes de sommeil les plus irrégulières, c’est-à-dire dont la différence de durée de sommeil était deux heures ou plus chaque nuit, présentaient un risque deux fois plus élevé de problèmes cardiovasculaires.
“Un sommeil sain n’est pas seulement une question de quantité”
“Bien que nous ayons également observé que les participants ayant un sommeil irrégulier avaient tendance à avoir des profils de risque cardio-métabolique plus mauvais au départ, l'ajustement pour les facteurs de risque [de maladie cardiovasculaire] établis (par exemple, la pression artérielle, les lipides, le diabète, etc.) n'a expliqué qu'une petite partie des associations entre l'irrégularité du sommeil et le risque [de maladie cardiovasculaire]”, notent les chercheurs.
Ces derniers admettent toutefois les limites de leurs travaux: la cohorte étudiée est relativement petite et la durée du suivi pas assez longue pour établir un lien incontestable entre les habitudes de sommeil et le risque cardiovasculaire. Toutefois, si d’autres études venaient à confirmer leurs conclusions, les chercheurs aimeraient voir si le changement des habitudes de sommeil d’un individu pourrait réduire ses risques de développer des problèmes cardiaques et vasculaires.
“La régularité du sommeil est un comportement modifiable. À l'avenir, nous aimerions savoir si le fait de modifier ses habitudes de sommeil en se couchant régulièrement chaque nuit peut réduire le risque d'événements cardiovasculaires futurs”, explique Tianyi Huang, auteur principal de l’étude.
“Lorsque nous parlons d'interventions visant à prévenir les crises cardiaques et les accidents vasculaires cérébraux, nous mettons l'accent sur le régime alimentaire et l'exercice (l’alcool est également un facteur de risque important, NDLR). Même lorsque nous parlons de sommeil, nous avons tendance à nous concentrer sur la durée - combien d'heures une personne dort chaque nuit - mais pas sur l'irrégularité du sommeil et les conséquences du fait d'aller au lit à des heures différentes, ou de dormir en quantité différente d'une nuit à l'autre, développe Tianyi Huang, qui conclut : Notre étude indique qu'un sommeil sain n'est pas seulement une question de quantité mais aussi de variabilité et que cela peut avoir un effet important sur la santé cardiaque.”
Les Français dorment trop peu et trop mal
Ces résultats sont d’autant plus importants qu’en France, la plupart des adultes dorment trop peu et mal. D’après un baromètre de Santé publique France paru il y a près d’un an, en semaine et en période de travail, le temps de sommeil quotidien est passé sous la barre des sept heures quand les scientifiques recommandent des nuits de huit heures en moyenne.
L’année dernière, en semaine, le temps de sommeil quotidien était précisément de six heures et 34 minutes, sans compter les siestes, et de 7 heures et 12 minutes le week-end et lors des périodes de repos. En cinquante ans, les Français ont donc perdu entre une heure et une heure trente de sommeil. La faute, selon Santé publique France, au temps passé devant les écrans, à la pollution sonore qui nous entoure et aux temps perdu dans les transports tous les jours.
Par ailleurs, d’après une étude du 1er Observatoire du sommeil réalisée par la Fondation Adova et l'institut Ipsos à la même période, à l’occasion de la Journée mondiale du sommeil, les Français dorment globalement mal. Dans ce sondage, 85% des personnes interrogées déclarent se réveiller au moins une fois par nuit et de mettre en moyenne 39 minutes à se rendormir. Par conséquent, 43% d’entre nous auraient déjà consulté un professionnel de santé pour des troubles de sommeil.
Quant aux problèmes cardiovasculaires, chez nous, ils tuent 140 000 personnes chaque année. Cela regroupe notamment les angines de poitrine, les infarctus du myocarde, les maladies du muscle cardiaque et de ses valves, l’insuffisance cardiaque, l’hypertension artérielle ou encore l’AVC.