La mémoire, c’est comme le cerveau : ça se travaille. Pour les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, cette tâche est plus que vitale. Les scientifiques du Laboratoire des maladies neurodégénératives (CNRS/CEA/université Paris-Saclay) et du Neurocentre Magendie (Inserm/université de Bordeaux) travaillent sur la réduction des pertes de mémoire associées à la maladie d'Alzheimer. Ils ont établi qu'une voie métabolique joue un rôle crucial dans les problèmes de mémoire associés à la maladie d'Alzheimer.
L'étude, publiée dans la revue Cell Metabolism, montre que l’ingestion d’un acide aminé particulier, sous forme de complément alimentaire, permettait de restaurer la mémoire spatiale chez des souris. Cette même technique pourrait également s’appliquer à l’homme afin d’atténuer les pertes de mémoire liées à la maladie d’Alzheimer.
La réduction du métabolisme, l'augmentation des dommages
En temps normal, le cerveau utilise une grande partie de l'énergie disponible pour le corps. Les neurones et les cellules environnantes se coordonnent pour assurer un bon fonctionnement. Dans la phase initiale de la maladie d'Alzheimer, ce métabolisme énergétique est réduit. Jusqu'à présent, nous ne savions pas si ce déficit contribuait aux symptômes cognitifs de la maladie d'Alzheimer.
Au cours de leurs recherches, les équipes se sont aperçues que l'acide aminé L-sérine pourrait détenir la clé des fonctions de la mémoire. Chez les souris modèle de la maladie d’Alzheimer, la diminution de glucose conduit à une réduction de la production de L-sérine, un acide aminé produit par les cellules du cerveau. La baisse de L-sérine a des conséquences directes sur la D-sérine, connue pour stimuler les récepteurs NMDA, eux-mêmes essentiels au bon fonctionnement du cerveau et de la mémoire. En définitive, la réduction de L-sérine entraîne une réaction en chaîne, qui, in fine, détériore les capacités de mémorisation du cerveau. Pour être sûr de leur théorie, les chercheurs ont réussi à restaurer la mémoire de la souris grâce à un apport alimentaire en L-sérine.
Rôle des récepteurs NMDA
Selon John W. Newcomer, Nuri B. Farber et John W. Olney du département de psychiatrie de l'école de médecine de l'université de Washington (États-Unis), le système des récepteurs NMDA devient progressivement hypofonctionnel avec le vieillissement du cerveau. Cela entraîne une diminution de la mémoire et des performances d'apprentissage. Chez les personnes qui développent la maladie d'Alzheimer, d'autres anomalies interagissent pour augmenter l'hypofonctionnement du NMDA. Lorsque la maladie devient persistante, on observe une neurodégénérescence généralisée accompagnée d'une détérioration cognitive plus importante.
Maintenant que le rôle de la L-sérine dans les troubles de la mémoire et l'importance de la supplémentation nutritionnelle ont été identifiés, les scientifiques souhaitent développer de nouvelles stratégies pour compléter le traitement médical. Selon eux, leurs travaux ouvrent la voie à de nouvelles thérapies pour toutes les maladies perturbant certaines fonctions du cerveau, comme la maladie de Parkinson et de Huntington. Néanmoins, des essais rigoureux doivent être réalisés sur l’homme, à travers des essais cliniques encadrés, avant de voir un produit sortir sur le marché.