Alors que l’OMS vient d’annoncer le 4 mars un taux de mortalité mondial du coronavirus de 3,4% (en ligne avec ses précédentes publications), que les taux en Italie seraient proches de 3,6% (107 décès sur 3000 le 4 mars) et que et la Chine parle d’un taux de mortalité (sur plus de 44 000 malades) légèrement supérieur à 2%, les chiffres français (6 mars) font état d’un taux de mortalité proche de 1,6% (7 décès sur 423 patients infectés), ce qui est 2 fois moins que l’OMS. Où est la vérité ?
Qu’est-ce qui est réellement dangereux ?
En réalité, si la mortalité à Wuhan a été estimée entre 3 et 4% initialement, dans le reste de la Chine, elle serait plutôt proche de 0,7 à 1%. En Italie, la gestion initialement régionale de l’épidémie a sans doute retardé le confinement et permis la diffusion de l’infection, avec de nombreuses personnes infectées non diagnostiquées.
Ainsi, en l’absence d’identification des malades infectés par un diagnostic virologique systématique, il est difficile de donner un taux de mortalité exact car les infections modérées (simples rhinopharyngites) ne sont pas identifiées.
Surévaluation initiale de la mortalité
Au début de toutes les épidémies, du fait de l’absence de test d’une part, et de l’affluence de nombreux malades dans les hôpitaux, les formes modérées des infections ne sont pas la priorité des autorités de santé.
Cette situation usuelle aboutit à une forte majoration initiale du taux de mortalité et cette situation dure jusqu’à ce qu’une meilleure appréhension de l’épidémie, ou un dépistage systématique de sujets contacts (comme en France actuellement) donne une vision réaliste du taux de décès.
La contagiosité est un élément du problème
Est-ce que le taux de mortalité est le seul paramètre pour juger de la dangerosité d’un virus ? A l’évidence non : il faut tenir compte de sa contagiosité : la grippe hivernale a un taux de décès voisin de 0,1%, et cela concerne essentiellement des populations à risque et bien identifiées pour lesquelles la vaccination est disponible et des traitements spécifiques efficaces.
Pour autant, la grippe est très contagieuse et va toucher des millions de personnes chaque année, ce qui aboutit à des millions de décès dans le monde et environ 10 000 décès (directs et surtout indirects) en France. C’est donc le 2e paramètre qu’il faut regarder quand on est confronté à une nouvelle épidémie.
Un virus moins contagieux que la grippe ?
De l’avis des experts, le coronavirus est contagieux (postillons lors de la toux, contact direct et indirect), mais il le serait moins que le virus de la grippe et, en particulier, il ne serait pas en suspension dans l’air ambiant, en l’absence d’expectoration ou de postillons, à la différence de la grippe.
Le problème est qu’il peut être excrété par la muqueuse nasale chez des personnes infectées mais non malades (ou pas encore malades), et qu’il peut persister un certain temps sur les objets (poignées de portes…). Les gestes barrières mis en avant par les pouvoirs publics sont donc largement pertinents, surtout s’ils s’associent à la désinfection régulière des poignées de porte, des rampes d’escalier et des boutons d’ascenseur.
Le coronavirus n’est probablement pas la peste
Certes, il n’existe pas de vaccin ou de médicament spécifique pour le Covid-19, mais les caractéristiques cliniques de son infection sont désormais bien documentées. Plus de 80% des malades ont des symptômes légers (rhinopharyngite, angine) ou n'en auraient aucun. Moins de 1% des enfants en-dessous de 9 ans et moins de 1% des adolescents de 10 à 19 ans sont tombés malades, avec des tableau cliniques assez modérés.
Surtout, l’essentiel de la mortalité des pneumopathies atypiques (qui surviendrait dans 10 à 20% des cas) concerne une population bien identifiée (étude des CDC chinois sur plus de 44 000 cas). Jusqu'à 39 ans, le taux de mortalité serait de 0,2%, il passerait à 0,4% chez les 40-49 ans, 1,3% chez les 50-59 ans, 3,6% chez les 60-69 ans. Par contre il serait de 8% chez les 70-79 ans, 14,8% au-delà de 80 ans et entre 6,3% et 10, 5% pour les personnes qui ont une autre maladie chronique (maladies respiratoires chroniques et maladies cardiovasculaires, respectivement).
Changement de stratégie
Maintenant que l’épidémie de grippe est en train de refluer et que celle du coronavirus s’installe, les pouvoirs publics vont progressivement changer de stratégie et s’appuyer plus fortement sur une politique de distanciation sociale (ne pas se serrer les mains…) et sur les médecins généralistes. La majorité des malades va être prise en charge en ville et à domicile, en développant au maximum toutes les solutions modernes de télésurveillance et de télémédecine. Les hôpitaux et les unités de soins intensifs seront réservés pour les malades les plus graves, en espérant trouver les éléments qui permettent d’identifier les malades à risque de pneumonie hypoxémiante, afin d’essayer d’en réduire la fréquence.
Si les enfants sont contagieux sans être malades, il faut effectivement fermer temporairement les écoles pour ralentir la diffusion du virus dans la population. Les personnes âgées et les malades chroniques, les plus à risque de décès, devraient être isolés pendant l’épidémie afin d’être protégés. Mais il pourrait être suffisant de limiter les grands rassemblements et d’appliquer les gestes barrières pour permettre à la majorité des actifs de vivre et travailler “presque” normalement, car cette pandémie risque de durer plusieurs mois.