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Mycobacterium tuberculosi

Tuberculose : on en sait plus sur la propagation de la maladie

Par Raphaëlle de Tappie

Selon une nouvelle étude, les bactéries à l'origine de la tuberculose faciliterait la contagion en conduisant une molécule provoquant la toux. A terme, ces résultats pourraient aboutir à de nouveaux traitements pour prévenir la propagation de la maladie. 

SIphotography/iStock

La tuberculose est une maladie infectieuse bactérienne qui touche principalement les poumons. En 2018, dans le monde, 10 millions de personnes auraient contracté la tuberculose, soit 5,7 millions d’hommes, 3,2 millions de femmes et un million d’enfant. Pour cette même année, le nombre de décès est estimé à 1,5 million, soit 100 000 de moins qu’en 2017. Selon une nouvelle étude parue jeudi 5 mars dans la revue Cell, les bactéries à l’origine de cette affliction faciliteraient leur propagation en conduisant une molécule qui provoque la toux. Ces résultats pourraient conduire à de nouvelles façons de prévenir la propagation de la maladie.

Si l’on sait depuis l’Antiquité que la toux est l’un des principaux symptômes de la tuberculose et le principal moyen de contagion d’une personne à l’autre, sa cause n’était pas claire. Ici, les chercheurs sont partis de l’hypothèse que le mycobacterium tuberculosis, l’agent bactérien à l’origine de la tuberculose, pourrait produire une substance déclenchant les nerfs des voies respiratoires responsable de la toux d’un malade permettant ainsi la propagation de l’affliction.

Pour tester cette idée, Michael Shiloh, professeur associé au département de médecine interne de l'Ecole médicale du Sud-Ouest de l’université du Texas (Etats-Unis), division des maladies infectieuses et département de microbiologie, et son équipe, ont travaillé avec des cobayes, animaux souvent utilisés en laboratoire pour étudier la tuberculose et la toux. Ils ont placé les bêtes infectées par la tuberculose dans des chambres spécialement conçues pour enregistrer les changements de pression et de volume provoqués par la toux. Ils ont ainsi pu remarquer que les animaux infectés toussaient beaucoup plus que les autres.

La SL-1 essentielle pour déclencher la toux lors de l'infection tuberculeuse 

Pour déterminer si la bactérie produit une substance pouvant déclencher la toux, les chercheurs ont isolé et testé différents composants du mycobacterium tuberculosis. A eux seuls, ces composés pourraient-ils faire tousser les cobayes et faire en sorte que les cellules nerveuses sensibles à la douleur cultivées en laboratoire (le type de cellule responsable de la stimulation de la toux dans les poumons) se comportent comme si elles étaient déclenchées pour induire un réflexe de toux ?

Après une série d’expériences, les chercheurs ont finalement identifié la molécule grasse de surface cellulaire mycobactérienne connue sous le nom de sulfolipide 1 (SL-1) comme principale molécule activant les neurones cultivés en laboratoire. Ils ont noté la même réaction dans des cellules humaines sensibles à la douleur. Ainsi, le SL-1 et sa fonction auraient été préservés au cours de l'évolution chez différentes espèces de mammifères

Pour montrer que la SL-1 était bien à l’origine de la toux, les chercheurs ont infecté les cobayes avec une souche génétiquement modifiée de mycobacterium tuberculosis incapable de produire SL-1. Les animaux ont alors développé tous les symptômes typiques de la tuberculose à l’exception de la toux. Ainsi, la SL-1 serait essentielle pour déclencher cette dernière lors de l'infection tuberculeuse.

Empêcher la toux

Ces résultats suggèrent que les bactéries responsables de la tuberculose produisent la SL-1 surtout pour stimuler un réflexe de toux afin de propager la propagation des mycobactéries des personnes infectées aux non infectées. “Dans de nombreux endroits où la tuberculose est endémique, les personnes atteintes de tuberculose active ne sont souvent pas admises à l'hôpital, mais sont simplement renvoyées chez elles avec des antibiotiques. Les gens peuvent tousser pendant des mois et propager la maladie même lorsqu'ils reçoivent un traitement approprié”, expliquent les chercheurs.  

En partant de ces résultats, les scientifiques pourraient peut-être à terme créer un médicament capable de développer un moyen de prévenir la transmission en neutralisant la SL-1 ou en empêchant sa production. “Un jour, les médecins pourraient donner des antibiotiques en complément d’un médicament qui empêche la toux, qui à son tour pourrait empêcher la propagation”, espèrent donc les chercheurs.

Qui plus est, la molécule pourrait être exploitée pour aider les patients à tousser dans des conditions où cela est bénéfique, comme dans le cas la mucoviscidose ou pour les patients qui ont besoin de tubes respiratoires. L'administration d'un médicament encourageant la toux pourrait aider à soulager l'accumulation de mucus épais dans les poumons des patients.

Les régions les moins favorisées du globe les plus touchées

La tuberculose est une maladie courante et potentiellement mortelle, la recherche est très dynamique pour tenter d’y venir à bout. En octobre dernier, l’OMS avait publié un rapport montrant que la lutte mondiale contre la maladie était en progrès.

Toutefois, le dossier pointait aussi la persistance de fortes disparités régionales. Ainsi, la tuberculose reste aujourd’hui bien présente dans les régions les moins favorisés du globe : 44% des cas recensés en 2018 se trouvent en Asie du Sud-Est, 24% en Afrique et 18% dans le Pacifique oriental. Au total, huit pays concentrent à eux seuls les deux tiers des nouveaux cas : l’Inde, la Chine, l’Indonésie, les Philippines, le Pakistan, le Nigéria, le Bangladesh et l’Afrique du Sud.

En France, les autorités sanitaires recommandent vivement la vaccination contre la tuberculose surtout chez les nourrissons, particulièrement vulnérables. Cela n’est toutefois plus obligatoire depuis 2007. Et aujourd’hui, si l’incidence de la maladie est faible dans l’Hexagone, elle n’a pas totalement disparu. En 2015, on comptait encore 4 741 nouveaux cas déclarés.