Alors que le monde s’affole, que la totalité de l’Italie est désormais en quarantaine et que les bourses sont chahutées, l’épidémie de coronavirus poursuit sa diffusion à des vitesses différentes selon les pays. Il est essentiel de comprendre les raisons de ces différences de vitesse de contamination pour ralentir une épidémie qui deviendrait difficile à gérer si les hôpitaux devaient manquer de lits disponibles.
Il est maintenant clair que le coronavirus est contagieux, presque autant que la grippe (chaque malade contaminerait entre 2 et 3 personnes). Le virus est présent dans différents fluides corporels, dont la salive, le mucus nasal et bronchique, ainsi que les selles, ce qui multiplie les possibilités d’infection des autres personnes.
Une contamination interhumaine surtout indirecte
La contamination entre les personnes, dite “interhumaine”, se fait par l’intermédiaire des gouttelettes de salives expulsées dans la respiration lors de la toux et des éternuements (mais aussi des baisers), sans être pour autant le principal mode de contamination.
La majorité des contaminations se feraient par l’intermédiaire d’objets du quotidien contaminés, comme les poignées de porte, boutons d’ascenseur… et les objets partagés (couverts, brosses à dents…).
Désinfection des mains et des objets vecteurs
C’est ce qui justifie toutes les mesures de prévention actuelles (isolement des malades, port de masque par les personnes infectées, lavage régulier des mains, désinfections des objets…), qui marchent dans les pays où elles sont correctement appliquées, comme la Corée du Sud, qui voit le nombre de nouvelles contaminations baisser drastiquement.
Une étude de la revue JAMA a récemment montré quels étaient les objets contaminés dans la chambre d’un malade (lit, table, interrupteur des lampes, télécommande, sonnette, chaise, fenêtre, couverts, poignées de porte, évier, toilettes… et même pales du ventilateur de la climatisation) et a confirmé que la désinfection des chambres avec les produits usuels était très efficace. Dont acte.
Durée de contagiosité allongée
Pourtant, un élément restait incertain: la durée de contagiosité des malades. Une publication du Lancet vient répondre à cette incertitude. Une équipe de médecins chinois qui a pris en charge les 191 premiers malades infectés et hospitalisés, à Wuhan, dans deux hôpitaux, et a pu les suivre jusqu’à leur guérison (ou leur décès). Le suivi attentif des malades montre que nombre d’entre eux restent contagieux après leur guérison clinique.
En effet, alors que la durée moyenne d’hospitalisation des patients guéris (n=137 sur 191) est de 21 jours (17 à 25 jours) après le début de la maladie, une excrétion du coronavirus est observée chez un tiers d’entre eux jusqu’à 4 semaines après les premiers symptômes. La détection de l’ARN viral est observée en médiane pendant 20 jours (16 à 23 jours) après le début de la maladie.
Des conséquences majeures
Cette constatation de la persistance d’une excrétion virale après la guérison pourrait expliquer que l’on ait suspecté que certains malades se soient réinfectés après leur guérison. Il peut s’agir d’une fausse négativité de l’avant dernier test ou d’une excrétion prolongée mais irrégulière du virus après la guérison clinique.
Cette excrétion prolongée a, bien sûr, d’importantes implications pour la durée d’isolement des malades guéris. En France, il est recommandé de les laisser sortir uniquement quand l’absence d’excrétion de virus est vérifiée sur 2 prélèvements, donc cette politique n’est pas mise en défaut par cette étude.
En revanche, à une période de grande tension sur le nombre de lits disponibles dans les hôpitaux, hospitaliser en moyenne un malade pendant quatre semaines au lieu de trois n’a pas les mêmes conséquences en termes d’occupation des lits hospitaliers.
Il faut donc persister dans les mesures actuelles visant à ralentir la diffusion de l’épidémie en France pour éviter un pic d’affluence qui serait très difficile à gérer.