“On connaît forcément quelqu’un qui souffre de schizophrénie dans notre entourage”. A échelle mondiale, la schizophrénie touche une personne sur cent. Pourtant, elle reste l’une des maladies les plus stigmatisées qui soient. Or, les clichés blessants sur les malades représentent l’un des principaux obstacles à l’accès aux soins précoces aujourd’hui. Actuellement, 30% des personnes atteintes de schizophrénie ne sont pas du tout soignées. Afin de dédramatiser cette maladie et de combattre les idées reçues sur les malades, qui ne sont pas de dangereux psychopathes, l’association Les Journées internationales de la schizophrénie organise chaque année des journées d’informations par le biais de nombreux évènements, allant des conférences aux expositions en passant par les concerts et les rencontres sportives. A l’occasion de la 17e édition des Journées qui se tiennent cette année du 14 au 21 mars dans neuf pays, dont la France, Pourquoi docteur est allé à la rencontre du président de l’association, Jean-Christophe Leroy.
Cela fait désormais plus de vingt ans que Jean-Christophe Leroy est engagé dans cette cause. “A la fin des années 1990, quand j’ai connu mon épouse, elle avait déjà des grands enfants. L’un d’eux me semblait étrange. Il s’est avéré qu’il souffrait des premiers symptômes de schizophrénie. Puis, après quelques mois d’allers-retours à l’hôpital, il a arrêté de parler pendant dix ans. On a alors commencé à lier contact avec plein d’autres familles et des patients. On a discuté de la maladie, de ce qu’ils ressentaient. On a découvert à quel point plein d’acteurs étaient décontenancés par cette affliction. On a donc décidé de créer les Journées de la schizophrénie en Suisse, une association de proches avec pour objectif déstigmatiser la maladie. On a rapidement été rejoints par des hôpitaux et d’autres associations, et cet évènement est devenu très important dans le pays”, raconte Jean-Christophe Leroy. Fort de ce succès, l'association a décidé d'internationaliser le mouvement il y a trois ans.
Faire de la prévention et agir contre la stigmatisation
Aujourd’hui, l’association Journées internationales de la Schizophrénie compte 250 partenaires (des associations autour de la santé mentale, culturelles, sportives, des hôpitaux, des organisateurs de concerts…) et 600 bénévoles, à l’œuvre dans les neuf pays où aura lieu cette année de nombreuses manifestations. “L’ensemble ces journées est construit autour de trois axes. Nous organisons des conférences, des portes ouvertes et des réunions en ligne pour les personnes concernées. Nous avons aussi un axe autour de l’information du grand public avec beaucoup de stands dans des galeries commerciales, cela brasse beaucoup de personnes. Puis, il y a des évènements. Cette année, un match de football américain était organisé à Grenoble, plusieurs chorales étaient prévues à Evian, un spectacle de danse à Namur. Malheureusement à cause du coronavirus, on a dû annuler à la dernière minute une cinquantaine d'évènements…”, déplore Leroy.
“Si vous êtes une association dans la santé mentale et que vous organisez quelque chose vous-même, les gens qui vont venir connaissent déjà la maladie. Quand on est partenaire d’un match de rugby, les gens viennent pour le sport et on peut les cueillir pour leur parler d’une maladie psychique dont beaucoup ont déjà entendu parler. Certains sont même concernés mais n’osent pas aller chercher l’information. Cela permet à la fois de faire de la prévention et d’agir contre la stigmatisation car la population porte souvent un regard déformé sur ce qui a été vu dans la fiction. Cela ne reflète cependant pas la réalité de la plupart des patients”, explique-t-il.
“Se rétablir de la schizophrénie n’est plus une fiction”
“Notre principal message c’est que se rétablir de la schizophrénie ce n’est plus une fiction. Les personnes bien prises en charge se rétablissent. Quand vous avez du diabète, vous prenez un traitement à vie aussi. Je connais des gens qui sont très bien rétablis, qui ont une dose de traitement médicamenteux infime mais qui continuent à être suivis, à faire des exercices de pleine conscience et qui organisent leur vie en fonction de leur fragilité. C’est ça qui est triste : aujourd’hui, la maladie peut être bien suivie mais malheureusement cela n’est pas disponible pour l’ensemble de la population”, signale Jean-Christophe Leroy.
En France, la prise en charge reste encore un point sensible. “Au niveau international, on travaille beaucoup sur l’accompagnement précoce : comment faire pour qu’un patient collabore à sa prise en charge. Il y a des endroits où cela marche très bien en Europe, notamment à Lausanne où le processus est vraiment très rapide. Ici, beaucoup de ces pratiques restent inconnues, même des professionnels, alors même qu’elles ne sont pas forcément difficiles ou coûteuses à déployer”, explique Jean-Christophe Leroy qui veut également profiter de l’organisation de ces journées pour informer les gens des progrès de la recherche.
Enfin, au-delà des évènements organisés la semaine prochaine, Les Journées internationales de la schizophrénie a mis en place une campagne d’informations en ligne. Cette année, l’association a en outre créé l’épisode zéro de Schizo, la première websérie scientifique inspirée de faits réels et cautionnée par un comité d'experts de la schizophrénie. Le but étant d’expliquer au grand public les symptômes des malades. “Nous espérons pouvoir réaliser la suite mais pour cela, il nous faut de l’argent”, conclut Jean-Christophe Leroy.
Voir ci-dessous la bande-annonce de Schizo :