Alors que le monde entier a les yeux rivés sur l’évolution du coronavirus, une autre maladie bien plus mortelle décime actuellement le Nigéria, la fièvre hémorragique de Lassa. Si la maladie tue toute l’année dans ce pays et ses alentours, l’escalade de l’épidémie a commencé dès la deuxième semaine de l’année avec pour l’heure 774 personnes contaminées et 132 morts, soit l’équivalent de 96% du total des cas enregistrés en 2019 où le taux de mortalité était de 23%. A titre de comparaison, celui du Covid-19, qui touche également le Nigeria, est pour l’heure établi aux alentours de 2%.
Chaque année, le pic endémique se situe entre fin décembre et mars. La saison sèche et les feux de brousses attirent le rat multimamelles, qui contamine les habitations en urinant sur les haricots laissés à sécher au soleil ou en se faufilant dans les habitations.
Tous les ans, la maladie revient de plus en plus meurtrière. “Nous vivons l’épidémie la plus grave que nous avons connue jusqu’à présent”, alerte Olufemi Ayodeji, responsable de la riposte à Owo, citée par Le Figaro. D’après l’OMS, la fièvre de Lassa, endémique dans toute l’Afrique de l’Ouest, toucherait chaque année de 100 000 à 300 000 personnes et tue deux à trois fois plus qu’Ebola dans la région.
“On ne se bouscule pas au portillon pour financer de la recherche”
“Le problème avec cette maladie, c’est que commercialement, ça n’intéresse pas grand monde parce que le marché est principalement ouest-africain et que même au Nigeria, elle affecte surtout les gens qui vivent en dessous du seuil de pauvreté, déplore le docteur Chikwe Iihekweazu, directeur du Nigerian Center for Disease Control, organisme officiel de santé chargé de la surveillance et de la mise en place de réponses d’urgence, au Figaro. C’est une maladie typiquement africaine, on ne se bouscule pas au portillon pour financer de la recherche.”
Pour le docteur Olubusuyi Moses Adewumi, spécialiste des arénavirus et virologue au College of Medicine de l’université d’Ibadan (Nigéria), cette augmentation rapide de l’épidémie est due à l’absence d’un système de surveillance efficace capable de surveiller la circulation du virus dans le pays par le biais de rongeurs. “Dans notre environnement, les vecteurs continuent d’avoir la possibilité d’interagir avec la population humaine et par conséquent de propager le virus sans contrôle”, explique l’expert au site Quartz Africa.
Toutefois, “l’agence internationale de la santé et les médias méritent d’accorder plus d’attention au coronavirus compte tenu de sa propension à une pandémie, poursuit-il. La fièvre de Lassa est notre problème local dans cette partie du continent, par conséquent, il est de notre responsabilité de veiller à la lutte contre l’épidémie.”
Depuis, plusieurs semaines, les autorités sanitaires recommandent à la population d’éviter de manger certains aliments comme le gari, une farine de manioc souvent en contact avec les rats vecteurs du virus dans les habitations.
Une transmission par les excrétions de rongeurs ou contact direct avec les fluides d’un malade
La fièvre de Lassa a été découverte pour la première fois en 1969 dans la ville de Lassa (nord du Nigeria), d’où son nom. La transmission se fait par les excrétions de rongeurs ou par contact direct avec du sang, des urines, des selles ou d’autres liquides biologiques d’un malade.
Asymptomatique dans 80 % des cas, l’affliction peut parfois toucher le foie, la rate et les reins, et conduire à de graves séquelles. Elle est endémique au Nigeria, Guinée, Liberia et Sierra Leone. Après un taux d’incubation de 6 à 21 jours, des symptômes similaire à ceux d’Ebola peuvent apparaître, comme de la fièvre, une faiblesse généralisée, des céphalées, des irritations de la gorge, de la toux, des vomissements, ou encore des diarrhées. Quand la maladie empire, des œdèmes au visage peuvent être observés, ainsi que des tremblements ou des pertes de connaissance. Un quart des malades sont aussi atteints de surdité. Si la fièvre de Lassa peut atteindre tous les âges et les sexes, les femmes enceintes y sont particulièrement vulnérables : infectées, elles décèdent dans 80% des cas, avec le fœtus.
Quels traitements ?
Actuellement, un traitement existe pour prendre en charge la maladie mais il est critiqué et remis en cause par de nombreux spécialistes. Il s’agit de la Ribavirine, un virostatique administré pour combattre les infections virales, les hépatites et certaines fièvres. Malheureusement, administré au-delà des six premiers jours, il est peu efficace. Or, la fièvre de Lassa provoquant au début des symptômes similaires à ceux du paludisme et de la fièvre jaune, il est difficile de la détecter précocement. Qui plus est, le médicament entraîne des effets secondaires pouvant aggraver les séquelles de la maladie, notamment au niveau du fonctionnement des reins. Enfin, ce traitement est très cher puisqu’il coûte 500 à 600€ par patients, en plus des frais annexes.
Depuis fin 2017, plusieurs chercheurs tentent de trouver des solutions plus efficaces et moins coûteuses. Cinq candidats-vaccins sont actuellement en train d’être mis au point. Deux d’entre eux ont déjà passé les phases de test préclinique sur l’animal avec succès.