Les personnes qui souffrent d'un cancer sont parmi les plus fragiles face à la pandémie de coronavirus. Mohamad Mathy, onco-hématologue et chef de service à l’hôpital Saint-Antoine (Paris), décrypte ce qui fait que les cancéreux sont plus à même d'être infecté par le coronavirus et ce que la pandémie change dans son travail à l'hôpital.
Pourquoi le coronavirus est particulièrement mauvais pour les personnes atteintes de cancer ?
Les malades qui sont atteints d’un cancer reçoivent des chimiothérapies, des radiothérapies et différents traitements qui, en plus du cancer lui-même, peuvent faire baisser l’immunité. Or, après une infection au coronavirus, ou tout autre virus, il faut une défense immune efficace pour rendre le virus silencieux. Dans la mesure où ces malades n’ont pas une forte défense immune, le coronavirus risque de créer plus de dégâts et durer plus longtemps. Il y a un lien logique entre le statut immunitaire et les complications plus importantes qui peut apporter le coronavirus.
Quelles précautions particulières doivent-ils prendre par rapport au Covid-19 ?
D’abord, et en premier, des précautions de la population générale : lavage des mains, distanciation sociale, les contacts rapprochés à éviter. À cela se rajoute une vigilance armée. Quand on a une histoire de cancer et de chimiothérapie, vous êtes beaucoup plus vigilant sur la moindre fièvre, le moindre frisson, la moindre douleur mais il n’y a pas d’élément spécifique particulier pour ces malades quand ils n’ont aucun symptôme.
Qu’est-ce que l’épidémie change pour votre service ?
L’épidémie change notre quotidien. D’abord, il faut s’organiser pour participer à l’effort collectif de l’hôpital, de l’institution. Le but est d’éviter que les soignants pâtissent du coronavirus puisque si nous avons moins de soignants, nous délivrons moins de soins. Il faut aussi s’organiser pendant le coronavirus, et s’occuper de la maladie cancéreuse elle-même. Ensuite, l’organisation est modifiée puisque les écoles sont fermées. Parmi les médecins et les infirmiers, plusieurs ont des enfants qu’il faut garder. Il faut apprendre à fonctionner avec moins de personnel. Pour ce qui est des lits et de leur potentielle réquisition, ils n’appartiennent pas à untel ou untel. Il y a des lits spécialisés qui sont plus utiles à un groupe de malade qu’à un autre mais c’est une organisation globale.
Le risque, si le nombre d’infectés augmente drastiquement, n’est-il pas d’arriver à une hiérarchisation des malades ?
J’espère que l’on n’y arrivera pas. Je n’y crois pas. Aujourd’hui, c’est une épreuve difficile mais on devrait arriver à combiner une prise en charge des maladies habituelles et ceux qui sont infectés par le coronavirus.