"La 1ère fois ça fait toujours mal!", "l'orgasme de la femme est moins intense que celui de l'homme", "la fellation c'est obligatoire dans un couple", en matière de sexualité, les idées reçues sont nombreuses. La plupart des gens se sont déjà posés ce type de questions, sans forcément oser en parler ouvertement. Certains disent que l'été booste la libido... en tous les cas Pourquoi Docteur a voulu en avoir le coeur net dans une série d'entretiens avec un spécialiste du sujet.
Entretien avec le Dr Sylvain Mimoun, gynécologue et spécialiste de la sexualité. Il vient de publier aux éditions First « La masturbation rend sourd - 300 idées reçues sur le sexe » (1)
Pourquoi Docteur : L’addiction au sexe est-elle véritablement une maladie ?
Sylvain Mimoun: Alors, si c’est une véritable addiction, c’est-à-dire quelqu’un qui ne peut pas se passer d’agir sexuellement, que ce soit avec le ou la partenaire ou que ce soit avec soi-même, au point de s’empêcher de travailler, de vivre socialement normalement, classiquement, cela devient une pathologie. Après, en fonction de la gravité, ce sera plus ou moins difficile à traiter. Mais si cela commence à leur « prendre la tête » trop souvent, c’est quelque chose qu’il faut pouvoir traiter. En général, ils sont « addicts » au sexe, simplement parce qu’ils espèrent que le plaisir qu’ils vont ressentir va les apaiser, c’est-à-dire en clair, c’est une lutte contre l’angoisse. Ils sont angoissés, et ils pensent que le sexe va les occuper positivement et les calmer.
L’addiction au sexe est-elle une addiction classée dans la même catégorie que celle à l’alcool ou au tabac ?
Sylvain Mimoun: L’addiction, cela veut dire une emprise. Une addiction par le sexe – une addiction par l’alcool, c’est l’alcool qui est nécessaire pour soi – mais le but est toujours le même, c’est-à-dire calmer un peu l’anxiété qu’on peut avoir si on n’a pas cette addiction.
Un homme ou une femme qui a des rapports tous les jours, ou plusieurs fois par jour, avec son partenaire, est-il un addict au sexe ?
Sylvain Mimoun: Ce qui est compliqué dans la définition de ce genre, c’est que cela dépend du ou de la partenaire. Si un homme qui a envie de faire l’amour 3 fois par jour rencontre une femme qui a envie de faire l’amour 3 fois par jour, on n’en entendra jamais parler, ils se débrouillent entre eux. Là où cela devient problématique, c’est si elle, elle veut 1 fois par jour, et lui, 3 fois par jour, cela commence à poser un problème. Si elle, elle veut 1 fois par mois, et lui, 3 fois par jour, là, cela posera très vite un problème.
Donc on ne peut pas dire : « Au-delà de 3 fois par jour, c’est un problème » ?
Sylvain Mimoun: Non, ce n’est pas comme cela que les choses se font, parce qu’habituellement, plus la personne est jeune, plus elle peut recommencer, etc. Mais un jeune, même quand il est tout seul, s’il dit : « Je me masturbe 15 fois par jour », on peut imaginer qu’il n’a pas le temps de faire d’autres choses. Et là, cela devient problématique pour lui, et il y a des jeunes qui peuvent venir consulter uniquement pour cela. Alors, ils ne disent pas : « Je suis addict à ça », mais ils disent : « Je ne peux pas faire autre chose », et on se rend compte en fait qu’il y a des choses qui les angoissent. Ils ont un examen, ils préfèrent ne pas penser à cela, du coup, ils se masturbent.
L'addiction au sexe peut-elle mettre en danger la vie professionnelle ou personnelle ?
Sylvain Mimoun: Oui. C’est une mise en danger de sa vie sociétale, et sociale. Pour avoir fait par exemple une émission de télévision avec un couple dont lui était addict au sexe, ce qu’ils racontaient tous les 2, c’est que, elle, au début de leur rencontre, elle était tout à fait partante pour qu’ils aient des rapports plusieurs fois par jour. Au bout d’un an, disons, elle a commencé à se dire : « 1 fois par jour, cela suffit » ; lui a commencé à se masturber plusieurs fois par jour, jusqu’au moment où elle n’a plus supporté ; et elle n’a plus supporté même de faire l’amour à partir de là, à cause de cela.
Quand on parle d’addiction au sexe, on pense souvent aux hommes. Y a t-il des femmes addictes au sexe?
Sylvain Mimoun: Oui. Il y a des femmes addictes au sexe, mais là encore, il y a une inégalité, mais dans l’autre sens. Si un homme est demandeur, il trouvera moins facilement une demandeuse en face que l’inverse.
Pourquoi cette inégalité ?
Sylvain Mimoun: Parce que les hommes sont plus souvent suiveurs de ce côté-là. Une femme, par exemple, qui est exhibitionniste, c’est rare qu’un homme aille porter plainte pour cela. Parce qu’il est plutôt content de voir cela, cela le stimule, etc. Si une femme se met à demander à un homme de faire l’amour avec elle, il va le faire, il va se dire : « Elle est un peu folle », éventuellement, mais il le fera quand même. Et il y trouvera du plaisir. Tandis que, si c’est l’inverse, elle dira : « C’est un pervers, il me harcèle… », ou je ne sais quoi.
L’addiction au sexe se traite t-elle ? Et comment, surtout ?
Sylvain Mimoun:Ce qui est derrière l’addiction au sexe, c’est l’anxiété, et ceux qui se soignent, traitent l’anxiété. Donc, quand les hommes viennent consulter pour l’addiction, ils viennent soit parce que leurs partenaires les poussent à le faire, en disant : « Je ne te supporte plus comme cela, va te faire soigner », soit quelquefois, ils viennent pour eux-mêmes, parce qu’ils se rendent compte qu’ils n’ont pas la possibilité de travailler, de vivre normalement. Ils sont en train de travailler, ils sont occupés par ce qu’ils sont en train de faire, tout à coup, on leur donne 3 ou 5 minutes de battement, ils se disent : « Tiens, si j’allais me masturber ». On ne traite pas trop avec des médicaments. Il faut surtout leur apprendre à gérer leur stress et leur émotion, et par exemple, des techniques comme la relaxation, voire l’hypnose ...
Est ce que les traitements fonctionnent? Combien de temps pour guérir?
Sylvain Mimoun: Oui, cela marche bien, mais la vraie question, comme toujours – c’est comme pour l’homme ou la femme qui veut arrêter de fumer – c’est : est-ce qu’ils sont prêts à le faire ? C’est-à-dire qu’on peut les mettre sur des rails et les aider en leur donnant des outils et des moyens pour que cela marche, mais cela va s’appuyer sur eux. Et si eux ne font rien pour régler le problème, on peut leur faire toutes les techniques d’hypnose qu’on veut, cela ne marchera pas. Globalement, cela fait malgré tout partie de ce que l’on appelle des thérapies brèves – c’est-à-dire moins de 10 séances –. Le but du jeu, c’est d’apprendre à l’homme à faire de l’autohypnose. S’il fait de l’autohypnose, il peut continuer à le faire tout seul.
Est-ce que ces gens retrouvent une sexualité normale ?
Sylvain Mimoun: Cela dépend avec qui ils sont. La vraie question, elle est là : c’est qu’on ne fait pas l’amour tout seul, et s’ils sont avec quelqu’un qui les apaise, qui leur donne confiance, qui ont du plaisir avec eux, qui ne les traite pas de malades… – cela peut bien se passer. Si, au contraire, cette personne aime plus ou moins la sexualité et va se servir de cette addiction « passée » pour dire, s’il lui demande de faire l’amour : « Arrête, t’es un obsédé, finalement, t’es pas guéri », là, cela ne fait qu’entretenir le problème.