Pangolin, chauve-souris, serpent… Si tous les scientifiques s’accordent à dire que le Covid-19 nous a été transmis par un animal, la nature même de ce dernier reste incertaine. La situation serait d’autant plus complexe que l’analyse des génomes aurait révélé une origine double du virus, expliquait l’universitaire Alexandre Hassanin (maître de conférence à la Sorbonne et chercheur au Muséum d’histoire naturelle), le 17 mars dans The Conversation.
D’après l’OMS, la Chine aurait commencé à lui signaler des cas de coronavirus le 31 décembre 2019. Toutefois, l’apparition des symptômes pour les malades aurait débuté le 8 décembre. Si la majorité des premiers infectés avaient pour point commun de fréquenter le marché de gros aux poissons de Huanan, situé dans la ville de Wuhan, à 850 kms à l’ouest de Shanghai, il a finalement été démontré que le tout premier cas humain de Covid-19 ne s’était jamais rendu dans cet établissement. Qui plus est, les datations moléculaires estimées à partir de séquences génomiques du SARS-CoV-2 désignent plutôt une origine en novembre.
Le génome du virus a rapidement été séquencé par les chercheurs chinois. C’est une molécule d’ARN d’environ 30 000 bases contenant 15 gènes. D’après des analyses de génomique comparative, ce virus appartient au groupe des Betacoronavirus et ressemble beaucoup au SRAS-CoV qui avait entraîné une pneumonie aiguë en novembre 2002 dans la province chinoise de Guangdong. Celle-ci s’était ensuite répandue dans 29 pays, notamment en France. En tout, 8 098 personnes avaient été infectées et 774 en était mortes. A l’époque, l’OMS avait lancé une alerte mondiale encourageant fortement l’isolement et la mise en quarantaine des personnes touchées pour stopper l’épidémie.
Qu’est-ce qu’un réservoir ?
A postériori, les scientifiques ont compris que des chauve-souris du genre Rhinolophus étaient à l’origine du virus et que la civette palmiste, un petit carnivore largement vendu dans les marchés et consommé par de nombreux chinois, avait sans doute servis d’hôte intermédiaire entre les chauves-souris et les premiers cas humains.
Depuis, nombreux Betacoronavirus ont été découverts, chez les chauves-souris mais aussi chez les hommes. Récemment, le virus RaTG13, isolé à partir d’une chauve-souris de l’espèce Rhinolophus affinis qui vient de la province chinoise du Yunana, a été décrit comme similaire à 96% du SARS-CoV2. Ainsi, les chauves-souris, seraient un réservoir des virus SARS-CoV et SARS-CoV-2.
Pour l’auteur de ce papier, un réservoir se définit par “une ou plusieurs espèces animales, peu ou pas sensibles au virus, qui vont naturellement héberger un ou plusieurs virus. L’absence de symptôme de la maladie s’explique par l’efficacité de leur système immunitaire qui leur permet de lutter contre une trop grande prolifération virale”.
Une recombinaison entre deux virus différents
Toutefois, début février, des scientifiques ont révélé qu’un virus encore plus proche (99%) du SARS-CoV-2 avait été identifié chez le pangolin. Pourtant, d’après une étude encore plus récente, actuellement en cours d’expertise, la situation serait plus complexe que cela. Selon ces nouvelles recherches, le génome du coronavirus isolé chez le pangolin malais ne serait en réalité similaire qu’à 90% du SARS-Cov-2. Il ne serait donc pas responsable de l’épidémie actuelle.
Dans le détail, le virus isolé chez le pangolin représente 99% d’identité avec le SARS-CoV-2 “si l’on compare les 74 acides aminés d’une région particulière de la protéine S, le domaine de liaison au récepteur ACE2 (Angiotensin Converting Enzyme 2) qui permet au virus d’entrer dans les cellules humaines pour les infecter”, explique Alexandre Hassanin.
Ainsi, le coronavirus isolé chez le pangolin peut entrer dans les cellules humaines, contrairement à celui isolé chez la chauve-souris. Le virus SARS-CoV-2 est donc issu d’une recombinaison entre deux virus différents: l’un proche de celui de la chauve-souris et l’autre du pangolin. Pour qu’une recombinaison se produise, les deux virus divergents doivent avoir infecté le même organisme de façon concomitante. C’est déjà par le biais de ce mécanisme de recombinaison qu’était apparu le SARS-Cov. L’auteur du papier de conclut : “Deux questions restent en suspens : dans quel organisme a eu lieu cette recombinaison ? (une chauve-souris, un pangolin ou une autre espèce ?) Et surtout dans quelles conditions a eu lieu cette recombinaison ?”
Si Alexandre Hassanin se réfère à la maladie comme au SARS-CoV-2, l’OMS refuse d’utiliser ce nom afin de ne pas lier Covid-19 et le SARS. Elle préfère donc évoquer “le virus responsable de la maladie ‘Covid-19’”. Actuellement, plus de 318 000 cas sont déclarés dans le monde (13 600 morts à échelle planétaire). En France, plus de 16 000 cas sont confirmés. La maladie a tué 674 personnes, dont un médecin.