- La perte du goût et de l'odorat sont des symptômes reconnus de Covid-19
- Ils pourraient être liés à une atteinte du système nerveux central
Et si le Covid-19 pouvait atteindre le système nerveux central ? Deux études récemment publiées semblent aboutir à ces conclusions. La première, parue le 27 février dans le Journal of Medical Virology s’appuie sur certains cas d’insuffisance respiratoires dans les infections aux différents coronavirus. D’après eux, la détresse respiratoire des patients ne serait pas due aux dégâts des virus sur les poumons. La seconde, parue le 13 mars dans le journal Chemical Neuroscience met en avant le fait que le Covid-19 puisse entraîner la perte de l’odorat et du goût pour étayer cette théorie.
Dans la première étude, Yan‐Chao Li de l’Académie des sciences chinoise et Pékin et ses collègues ont analysé des données acquises sur des patients atteints de diverses formes de coronavirus. D’après eux, l’infection du tronc cérébral par le virus pourrait, au moins partiellement, entraîner la défaillance respiratoire des malades aujourd’hui touchés par les formes graves du Covid-19.
“Dans l'ensemble, la propension neuroinvasive a été démontrée comme une caractéristique commune des Coronavirus. Compte tenu de la grande similitude entre le CoV du SRAS et le CoV-2 du SRAS, il est fort probable que le CoV-2 du SRAS possède également un potentiel similaire. D'après une enquête épidémiologique sur le Covid-19, le temps médian entre le premier symptôme et la dyspnée était de 5 jours, entre l'admission à l'hôpital et les soins intensifs de 7 jours et de 8 jours. Des études précédentes ont signalé que certains patients infectés par le CoV-2 du SRAS présentaient des signes neurologiques tels que des maux de tête (environ 8 %), des nausées et des vomissements (1 %). Plus récemment, une étude (…) portant sur 214 patients atteints de COVID-19 a également révélé qu'environ 88 % (78/88) des patients atteints de la forme grave présentaient des manifestations neurologiques, notamment des maladies cérébrovasculaires aiguës et des troubles de la conscience. Par conséquent, la prise de conscience de la possibilité d'une neuroinvasion peut avoir une importance déterminante pour la prévention et le traitement de l'insuffisance respiratoire induite par le SRAS-CoV-2”, notent les chercheurs.
Rien n’est encore certain
Pour Daniel Dunia, chercheur au Centre de physiopathologie de Toulouse-Purpan (Inserm, CNRS, Université de Toulouse), nous en sommes toujours au stade des hypothèses. “Il ne faut pas oublier non plus que le scanner pulmonaire est toujours évocateur [de dégâts] chez les patients qui souffrent des formes sévères”, explique-t-il au Monde.
Dans la seconde étude, Abdul Mannan Baig (Université Aga Khan, Karachi, Pakistan) et son équipe ont travaillé sur des souris transgéniques, modifiées pour être sensibles aux coronavirus affectant les humains. Les recherches ont montré que SARS-CoV-1 ou le MERS-CoV, qui circulait au Proche-Orient en 2012, peuvent pénétrer dans le cerveau, possiblement par le nerf olfactif et se propager ensuite rapidement dans certaines zones spécifiques du cerveau, comme le thalamus et le tronc cérébral.
“Comprendre le potentiel neurotrophique du virus Covid-19”
Dans le cas du SARS-CoV-1, les particules virales “n’ont été détectées que dans le cerveau [des souris], mais pas dans les poumons”. “Les observations telles que l’altération de l’odorat à un stade précoce, chez un patient touché par le Covid-19 sans complications, doivent faire l’objet d’une enquête approfondie pour déterminer si le système nerveux central est impliqué, notent donc les chercheurs. Avec la récente flambée de Covid-19, il est urgent de comprendre le potentiel neurotrophique du virus Covid-19 afin de hiérarchiser et d'individualiser les protocoles de traitement en fonction de la gravité de la maladie et de l'atteinte des organes prédominants.”
En 2015, des scientifiques avaient déjà infecté des souris transgéniques avec ces virus. Ils avaient alors remarqué que l’agent pathogène se propageait d’abord dans le bulbe olfactif avant de se diffuser dans d’autres régions du cerveau et du tronc cérébral.
Cependant, pour Daniel Dunia, il s’agit là encore d’être prudent. En effet, s’il a déjà été prouvé que “plusieurs coronavirus peuvent accéder au système nerveux central en transitant par la sphère oropharyngée”, il convient de rappeler que “d’autres virus peuvent avoir de tels effets ou provoquer des troubles neurologiques”, notamment à cause d’une inflammation provoquée par la réponse immunitaire de l’organisme.