Voilà un constat qui déplaira et inquiétera. Dans un rapport en ligne paru le 16 mars, des scientifiques britanniques de l’Imperial College de Londres ont déclaré que les mesures de confinement et de distanciations sociales devraient probablement durer au moins 18 mois pour venir à bout définitivement du Covid-19. Mises en place de façon intermittente ou pas.
“La dernière fois que le monde a réagi à une épidémie mondiale de maladies émergentes de l'ampleur de l'actuelle pandémie Covid-19 sans accès aux vaccins a été la pandémie de grippe H1N1 de 1918-19”, plus connue sous le nom de Grippe espagnole, écrivent les experts. Dans certaines villes, les écoles, bars et églises avaient été fermés. Des mesures qui “ont réussi à réduire le nombre de cas” et généré “une baisse générale de la mortalité”. “Toutefois, la transmission a rebondi une fois les contrôles levés”, rappellent les experts.
“Plus la stratégie de confinement est efficace, plus l'épidémie sera importante en l'absence de vaccination, en raison d'une moindre accumulation d'immunité collective”, préviennent-ils. Pour éviter ce rebond une fois les mesures de confinement levées, ils proposent donc de maintenir ce dernier “jusqu'à ce que des stocks importants de vaccins soient disponibles pour immuniser la population — ce qui pourrait être le cas pendant 18 mois ou plus.”
Il est encore trop tôt pour se féliciter des chiffres divulgués par la Chine et la Corée du Sud
En alternative à cette solution radicale, les chercheurs avancent aussi l'idée une distanciation sociale “intermittente”. Ainsi, les règles du confinement pourraient changer régulièrement en fonction de l'évolution du nombre de cas confirmés de Covid-19. Quand le nombre de cas diminuera suffisamment, les mesures pourront être “temporairement assouplies” avant d'être réintroduites quand les contaminations repartiront à la hausse. Dans ce cas de figure, les experts prédisent tout de même un confinement en vigueur les 2/3 du temps.
Et les chiffres encourageants divulgués par la Chine et la Corée du Sud? Il est encore bien trop tôt pour s’en féliciter, assurent les chercheurs. “Si l'expérience en Chine, et dorénavant en Corée du Sud, démontre qu'un confinement est possible à court terme, il reste à prouver si c'est possible à long terme, et si les coûts sociaux et économiques des interventions adoptées jusqu'à présent peuvent être réduits”, expliquent-ils.
Actuellement, la Chine, dont les premiers symptômes connus remontent à décembre 2019, n’a signalé aucun nouveau cas, mais pour en arriver là, le pays a utilisé simultanément toute une série de mesures autrement plus strictes que celles appliquées en France. Outre le confinement total et la détection systématique des cas, le contrôle des populations a permis de prévenir toute personne qui aurait été en contact avec un malade sans le savoir. Chacune de ces personnes été mise en quarantaine totale. Les personnes arrivant aujourd’hui en Chine peuvent aller en prison si elles essayent de s’y soustraire.
“L’efficacité de toute intervention menée de façon isolée est susceptible d’être limitée, rendant nécessaire d’associer plusieurs [mesures de santé publique] pour avoir un impact substantiel sur la transmission”, insistent les chercheurs.
Trop d’incertitudes en Europe
“Pour un pays qui a tout contrôlé comme la Chine, un rebond est peu probable”, explique Didier Lepelletier, médecin hygiéniste et coprésident du groupe de travail national sur le coronavirus au Haut Conseil de la santé publique, à L’Express. Toutefois, “il faut encore que l'OMS valide toutes les données pour savoir si c'est une baisse significative”, précise-t-il.
“À mesure que le nombre de cas diminue, il devient plus facile d'adopter des tests intensifs, la recherche des contacts et des mesures de quarantaine semblables aux stratégies utilisées aujourd'hui en Corée du Sud”, poursuit le rapport. D’après les chercheurs, certaines solutions technologiques, comme les applications suivant les interactions d’un individu avec d’autres, par exemple, “pourraient permettre à une telle politique d'être plus efficace et plus évolutive si les problèmes de protection de la vie privée qui y sont associés peuvent être surmontés.”
Des applications de ce genre sont actuellement en train d’être développées en Europe mais à l’heure actuelle, aucune n’a encore été officiellement mise en place. Aujourd’hui, trop d’incertitudes demeurent. Que ce soit au niveau du mode de transmission du virus, de l’efficacité des mesures instaurées par les politiques ou encore de leur respect par les populations locales. “Il est donc difficile d'être définitif quant à la durée initiale probable des mesures qui seront nécessaires, si ce n'est qu'elle sera de plusieurs mois”, conclut le rapport.
“Le temps normal n’est pas pour demain”
En France, Geneviève Chêne, directrice générale de l’agence Santé publique France, déclarait le 19 mars qu’il faudrait attendre “entre quatre et deux semaines” pour observer un changement de dynamique dans l’épidémie sur le territoire. Lundi 23 mars, le premier ministre Edouard Philippe a pris la parole pour durcir les conditions de sorties des Français pendant le confinement.
“Sortir pour promener ses enfants ou pour faire du sport, cela doit être dans un rayon d'un kilomètre autour de chez soi, au maximum pour une heure, tout seul et une fois par jour", a-t-il déclaré, précisant que les marchés ouverts seraient désormais interdits, sauf dérogation du préfet sur avis des maires. “Beaucoup de nos concitoyens, beaucoup de Français aimeraient pouvoir retrouver le temps d’avant le temps normal, mais il n’est pas pour demain et l’on sent bien que ce temps du confinement est encore le nôtre et qu’il peut durer encore quelques semaines", a-t-il par ailleurs prévenu.