"L'efficacité du traitement n'a pas été prouvée de façon rigoureuse": c'est par ce jugement sans appel que Françoise Barré-Sinoussi, co-lauréate du prix Nobel de médecine en 2008 pour sa contribution à la découverte du virus du SIDA, a, pour un temps, balayé dans une interview au journal Le Monde les espoirs que beaucoup placent dans l'hydroxychloroquine pour traiter les patients atteints de Covid-19.
Avec une telle déclaration de la part de celle qui vient d'être nommée présidente du Comité Analyse Recherche et Expertise (CARE) qu'Emmanuel Macron a installé mardi 24 mars à l'Elysée, le souhait de beaucoup de voir la prescription de ce produit rapidement autorisée a de bonne chances de rester insatisfait. Le premier Ministre Edouard Philippe avait déjà prévenu le lundi 23 mars qu'il n'y aurait pas d'autorisation de mise sur le marché (la procédure qui autorise la prescription d'un médicament pour une nouvelle indication) avant la réalisation de nouveaux tests.
la controverse s'amplifie
La controverse sur l'opportunité d'utiliser la chloroquine, un antipaludéen, pour traiter les cas les plus sérieux de Covid-19 s'amplifie depuis quelques jours. De son institut hospitalo universitaire de Marseille, le professeur Didier Raoult -après un essai réalisé sur 24 personnes- continue d'affirmer que ce médicament est utile. Il promet même de le prescrire à tous ceux qui seraient positifs au test de dépistage du SARS-CoV-2, test pour lequel des dizaines de personnes faisaient la queue lundi devant les locaux de son centre à Marseille. Et dans plusieurs hôpitaux, à Marseille, Nice et Toulouse, des médecins reconnaissent qu'ils prescrivent de l'hydroxychloroquine pour des cas très sérieux de patients atteints de Covid-19. Dimanche 22 mars, c'est un ancien président de la Haute Autorité de Santé (HAS), Jean-Luc Harousseau, qui avait lancé un appel à la possibilité de prescrire ce produit en raison de l'urgence face à "une vague énorme qui va tout engloutir".
En attendant les résultats de l'étude Discovery
Mais pour Françoise Barré-Sinoussi, cette urgence ne justifie pas tout. "Il nous faut quelque chose de sérieux, l'hydroxychloroquine, ce n'est pas du Doliprane, elle peut avoir des effets délétères et comporter des risques de toxicité cardiaque; il n'est donc pas raisonnable de la proposer à un grand nombre de patients pour l'instant", explique-t-elle dans son interview au Monde.
"Soyons patients", conclut la lauréate du Nobel en renvoyant aux résultats de l'étude clinique Discovery qui étudie les effets d'anti-viraux utilisés contre le VIH et contre Ebola et aussi l'hydroxychloroquine dans un essai européen. Des résultats qui devraient être communiqués dans une quinzaine de jours.