- Tous les biens et services peuvent être réquisitionnés pour faire face à la crise sanitaire
- Les établissements de soins sont autorisés à élargir leurs missions
Si certains croyaient encore au confinement pour deux semaines, ils risquent de tomber de haut. La France est officiellement en état d’urgence sanitaire pour deux mois. Le Parlement a adopté dimanche 22 mars ce texte “d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19”. Ce dernier peut être déclaré “en cas de catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé et sa population”. Il a été publié le 24 mars au Journal officiel. Quelles sont les conséquences en termes de mobilisation des services de santé ?
Avec ce texte, le gouvernement peut ordonner la “réquisition de tous biens et services nécessaires pour mettre fin à la catastrophe sanitaire”. Il peut par exemple utiliser des taxis et des hôtels pour le personnel soignant, réquisitionner du matériel médical ou encore des masques de protection pour les professionnels de santé ou certaines populations à risque.
“Les solutions hydro-alcooliques destinées à l'hygiène humaine peuvent être préparées, en cas de rupture de leur approvisionnement, jusqu'au 15 avril 2020, par les pharmacies d'officine et les pharmacies à usage intérieur mentionnées aux articles”, est-il notamment écrit dans le texte.
Concernant les masques de protection issus du stock national, ils peuvent être distribués gratuitement , sur présentation d’un justificatif, jusqu’au 15 avril également par les pharmacies aux professionnels relevant des catégories suivantes : “médecins généralistes et médecins d'autres spécialités ; infirmiers ; pharmaciens ;masseurs-kinésithérapeutes ; chirurgiens-dentistes ; sages-femmes ; prestataires de services (…) ; les services d'accompagnement social, éducatif et médico-social qui interviennent à domicile en faveur des personnes âgées, enfants et adultes handicapés (…) ainsi que les aides à domicile employées directement par les bénéficiaires”.
“Moment charnière”
Au niveau des établissements de santé, “les directeurs généraux des agences régionales de santé sont habilités à autoriser jusqu’au 15 avril, les établissements à exercer une activité de soins autre que celle au titre de laquelle ils ont été autorisés”. Le personnel de santé intervenant au sein de ces structures “peut utiliser tout matériel, produit de santé et produit sanguin et réaliser tout acte et examen nécessaire à la réalisation de cette mission”. “Les structures médicales opérationnelles peuvent être ravitaillées en matériels, produits de santé et produits sanguins par tout moyen, notamment par toute officine de pharmacie, toute pharmacie à usage intérieur, tout établissement de transfusion sanguine ou établissement pharmaceutique. Une ou plusieurs structures ne relevant pas du ministre de la Défense et désignées par l'Agence régionale de santé compétente peuvent réaliser ou contribuer à réaliser, pour les besoins de cette mission, toute activité administrative, logistique, technique ou médico-technique”, est-il précisé.
Ce mercredi 25 mars, le directeur général de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, Martin Hirsch, a par ailleurs lancé sur Franceinfo un appel à la réquisition des personnels soignants et à une “reconnaissance”, éventuellement sous forme de primes, pour l’effort “surhumain” des personnels. Alors que les hôpitaux du groupe ont dépassé le seuil des 1 600 malades hospitalisés, il a demandé “quatre assurances fortes”. “La première c’est que je puisse, face à chaque malade grave, mettre un respirateur. Je ne veux pas qu’on connaisse les difficultés qu’on a connues sur les masques sur les respirateurs qui permettent de sauver des vies. La deuxième chose: on a besoin de tout le personnel, qu’il soit volontaire, ou qu’on fasse appel à la réquisition, et mon troisième point, je n’en parle que rarement, mais on a aujourd’hui des soignants qui font des efforts qu’on peut qualifier simplement de surhumains, il faut qu’on ait les assurances qu’ils auront la reconnaissance. Je ne sais pas si ce sont des primes, c’est moral, et c’est pour le moral des troupes. Et puis quatrième chose: ce sont les médicaments. Il faut qu’entre les industriels, les pouvoirs publics et nous, on ait les assurances qu’on ne soit pas en manque de médicaments (...) On est dans un moment charnière”, a-t-il alerté.
Lundi 23 mars, le professeur Philippe Juvin, chef du service des urgences à l'hôpital Georges-Pompidou de Paris a quant à lui annoncé que “quelques centaines” de soignants en Ile-de-France avaient été testés positifs au Covid-19. Pour eux, “le coronavirus sera reconnu comme maladie professionnelle”. “Il n’y aura aucun débat là-dessus”, a assuré le ministre de la Santé.
Quant au pic de l’épidémie qui risque de saturer le système de santé, Philippe Juvin le prévoyait lundi d’ici “une huitaine de jours”. “Je ne suis pas persuadé qu'il faut durcir” le confinement, a-t-il ajouté, précisant que le mot d'ordre “restez chez vous” était “suffisant”.
Un durcissement des sanctions
Outre une mobilisation des systèmes de santé, l’instauration de l’état d’urgence sanitaire permet la limitation des libertés individuelles, fixées par le Premier ministre. Parmi elles, “la liberté d'aller et venir, la liberté d'entreprendre et la liberté de réunion”. “Beaucoup de nos concitoyens aimeraient retrouver le temps d'avant, le temps normal, mais il n'est pas pour demain, a déclaré Edouard Philippe en début de semaine. Sortir pour promener ses enfants ou faire du sport c'est dans un rayon de 1 km de chez soi, maximum pour une heure, tout seul et une fois par jour”, a-t-il ajouté.
Les sanctions ont été durcies pour les Français ne respectant pas ces consignes. Les 135€ d'amende forfaitaire passeront à 1 500€ en cas de récidive “dans les 15 jours”. “Quatre violations dans les trente jours” pourront valoir jusqu'à “3700€ d'amende et six mois de prison.”
Le nouveau texte prévoit également l’instauration de mesures pour soutenir les entreprises, le report du second tour des municipales, “au plus tard au mois de juin 2020” ou encore la prescription par arrêté de toutes les autres mesures générales individuelles visant à lutter contre la catastrophe. Celles-ci doivent cependant être “proportionnées aux risques encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu.”