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Journée mondiale

Endométriose : “Il faut arrêter de mettre la pression aux femmes au sujet des enfants”

Par Raphaëlle de Tappie

A l'occasion de la Journée mondiale contre l'endométriose, Pourquoi docteur a recueilli des témoignages de malades. Aujourd'hui, Marie, 31 ans, nous raconte le long calvaire qu'elle a vécu. 

Photoboyko/iStock

Dans le monde, une femme sur dix en âge de procréer souffre d’endométriose. Cette maladie chronique est provoquée par la migration des tissus de l’endomètre en dehors de l’utérus. Les symptômes comprennent des troubles digestifs, des douleurs dans le bas-ventre pendant les rapports sexuels, des règles extrêmement pénibles ou encore une difficulté à tomber enceinte. Les causes de cette affliction sont multi-factorielles, allant de l’âge, à la génétique en passant par l’alimentation (la consommation d’acides gras saturés pourrait jouer). A l’occasion de la Journée mondiale contre l’endométriose ce samedi 28 mars (l'Endomarch a été annulée en raison du Covid-19), Pourquoi docteur a recueilli des témoignages de malades. Aujourd’hui, Marie, 31 ans, nous raconte son long calvaire. 

“J’ai toujours eu des règles très douloureuses. Ca s’est calmé quand j’ai commencé à prendre la pilule, à 15 ans. J’ai ensuite été tranquille pendant quelques temps. Puis, il y a environ cinq ans, les douleurs sont revenues, plus vives que jamais. Un an plus tard, je rencontre ma nouvelle gynécologue, qui remplaçait l’ancien médecin, parti à la retraite. Je me présente et je lui raconte mes symptômes. Je lui parle de mes rapports sexuels douloureux, car j'ai toujours eu mal pendant l'amour, mais pour moi c’est normal. J'ai l’habitude.  

Elle pense alors à l’endométriose et m'envoie faire des examens. Je commence par une échographie où personne ne détecte rien. Je ne comprends pas la démarche, étant donné que je dois faire une IRM après. C’est une perte de temps ! Lors de l’IRM, les experts repèrent un petit peu d’endométriose, mais rien d’inquiétant. Je revois ensuite ma gynéco qui me demande si je veux rencontrer un spécialiste ou si je préfère la pilule en continu. Je choisis la deuxième option.  

Quelques mois plus tard, je parle de mon cas à une amie médecin qui me conseille d’aller voir un spécialiste de l’endométriose qu’elle avait eu en cours. J’y vais, me disant que cela ne coûte rien mais que je ne ressortirai sans doute pas de là avec des informations révolutionnaires. C’est une consultation publique dans un hôpital universitaire. Le spécialiste demande donc à ses internes de m’examiner. Une jeune fille palpe et ne sent rien. Il passe derrière elle et s’exclame : ‘Mais si, il y a plein de choses !’. Il commence alors à parler dans un jargon incompréhensible. Je ne comprends rien. La consultation terminée, il sort son dictaphone et parle d’opération, de difficultés pour faire pipi, de poche… Il me dit que je suis un cas grave et qu’il doit m’opérer au plus vite. Dès que j’aurai fait d’autres examens pour vérifier qu’il n’y a pas d’atteinte digestive.

Je m’effondre. Je ne m’y attendais absolument pas. En sortant de cette consultation, je me dis que ma vie est finie. Le médecin m’a balancé toutes ces informations d’un coup sans m’expliquer que la poche et les difficultés urinaires étaient des risques post-opératoires, certes, mais que cela n’arrivait que très rarement. Je réalise un examen pour les atteintes digestives, on me dit que je n’en ai pas. Tant mieux, cela donnera lieu à une opération moins lourde, m’apprend-on. Puis, trois mois s’écoulent pendant les quels on me met sous ménopause artificielle par piqûres : mes muqueuses doivent s’assécher au maximum pour qu’il y ait le moins de sang possible dedans. Cela sera ainsi plus facile à opérer.

L’opération tant attendue arrive enfin. Là, les chirurgiens découvrent que j’ai beaucoup plus d’endométriose que prévu. Les images n’ont pas montré l’étendue du problème. J’ai en fait bien des atteintes digestives. Mon endomètre est en train de grossir et se déplace du côté du rectum, de la vessie, de l’urètre… C’est en train de bloquer la circulation de l’urine entre le rein et la vessie. Si j’avais attendu un peu plus, j’aurais pu perdre un rein.

L’opération terminée, je dois rester une semaine à l’hôpital. J’ai un drain, une sonde urinaire… Puis, je rentre chez moi. J’ai été arrêtée un mois, le temps de me remettre tranquillement. J’ai tellement mal. Ca met du temps à cicatriser à l’intérieur, dès que je marche, ça tire. Les douleurs durent longtemps. 

Les médecins me proposent ensuite de congeler mes ovocytes. J’ai une grosse endométriose, déjà trente ans et pas de projet de bébé immédiat. On m’opère à nouveau pour les prélever.

Aujourd’hui, j’ai un suivi gynécologique normal et je suis sous pilule continu. Je vais quand même aller faire des examens prochainement car j’ai encore des petites douleurs, mais on m’avait prévenue. L’endométriose s’opère, mais tant qu’on a des règles et un utérus, on ne guérit pas. Je me suis habituée, maintenant c’est normal pour moi. Je connais les douleurs, je vis facilement avec. Je suis en couple et ça se passe bien, on s’adapte quand ça me fait mal pendant les rapports. 

Malgré tout, j’ai quelques regrets. J’aurais aimé qu’on ne mette pas autant de temps à me diagnostiquer. Mes douleurs ont commencé quand j’avais 15 ans et j’ai été opérée il y a trois ans seulement. Si j’avais été prise en charge plus tôt, je n’aurais sans doute pas eu à subir une chirurgie aussi lourde. Je n’ai pas non plus aimé la pression qu’on m’a mise concernant les enfants. ‘Si vous voulez un enfant, c’est maintenant ou jamais’, m’a t-on dit. Il faut arrêter de mettre cette pression sur les femmes qui ont de l’endométriose. Cela rajoute un stress supplémentaire aux femmes de plus de trente ans et tout le monde sait aujourd’hui que le stress peut avoir une influence sur le corps. Cela peut aggraver les difficultés à procréer, j’en suis certaine.”